Quand “la mode” devient “islamique”

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C’est irresponsable de la part de ces marques”. C’est la fameuse phrase de Madame La ministre des droits des femmes, Laurence Rossignol, dans son interview sur une radio nationale ce mercredi 30 mars, à propos du lancement de ce que les grandes enseignes H&M, Dolce&Gabana, Marks&Spencer et Uniqlo ont appelé « La mode islamique ». « Lorsque des marques investissent ce marché de la tenue islamique, parce qu’il est lucratif, elles se mettent en retrait de leur responsabilité sociale et d’un certain point de vue font la promotion de cet enfermement du corps des femmes”, dénonce la Ministre. Mais, elle oublie carrément qu’un foulard, qu’une manche longue et qu’une jupe ne sont qu’un bout de tissu, voire un accessoire qui peuvent embellir chacune à leur manière la femme musulmane…Pourquoi, va-t-on chercher un problème là où il n’y en a pas ?! Est-ce que mon foulard par exemple m’empêche de réfléchir et de m’exprimer ? Ou bien est-ce que ma manche longue pourrait paralyser ma main et me priver d’écrire ?…Parallèlement, Plantu fait une analogie entre la femme musulmane qui porte un simple foulard et le terrorisme. Son dessin met en scène le visage d’une jeune femme désemparée en larmes, les cheveux ébouriffés, à côté de deux femmes voilées. L’une des deux, équipée d’une ceinture d’explosifs réplique : “Dolce & Gabbana lance une collection de hidjabs… À quand la fashion ceinture ?”.

Un message islamophobe qui devrait aussi « choquer » les féministes et les défenseurs des droits des femmes…non ? C’est une stigmatisation de la femme voilée !!!..D’un autre côté, les personnes qui se prétendent être les défenseurs de la liberté des femmes et bah voilà, une liberté à défendre aussi !« la liberté de se présenter comme on veut ». Je ne parle pas du voile intégral puisque son port est interdit. Mais je parle de la liberté de culte, associée au port de telle ou telle tenue ! Et, je crois que ces grandes marques dont il est question ont fait preuve de tolérance et d’esprit d’ouverture, même si qu’il est clair que leur premier et unique but est lucratif ! Ce qui m’énerve encore est de dire que « ces créateurs qui participent à l’asservissement de la femme, devraient se poser des questions ». Qu’ils se posent des questions ou non, ce n’est pas mon problème, mais le mot « asservissement » est lourd comme le mot « esclavage » d’ailleurs. Le foulard islamique est avant tout un choix, une expression et une liberté…

Pierre Bergé, le président de la fondation Bergé-Saint Laurent dénonce lui aussi l’attitude irresponsable de ces marques qui se laisseraient prendre par l’appât du gain et négligeraient leurs convictions : « Tout ça pour faire du fric ! Excusez-moi, mais je pense que les convictions doivent passer avant l’argent » Puisqu’il s’agit des convictions, dans la mesure où elles sont respectueuses des autres, pourquoi ne les accepte-t-on pas toutes ? Autrement dit, la femme voilée, à sa manière, ne défend-elle pas ses convictions aussi ? Puis quand il nous fait savoir que « Dans la vie, il faut se ranger du côté de la liberté. Il faut au contraire apprendre aux femmes à se dévêtir, à se révolter, à leur apprendre à vivre comme la plupart des femmes dans le monde entier », il n’oublie pas par hasard que la femme musulmane voilée appartient aussi à ce monde entier ? D’ailleurs, Pierre Bergé ose dire clairement ne pas comprendre « pourquoi on va vers cette religion, ses habitudes, ses mœurs absolument incompatibles avec celles de la liberté qui sont les nôtres, occidentaux ». Un discours qui n’enferme pas un seul sexe, mais qui met une religion tout entière dans une case close.

Par ailleurs, je me pose toujours cette question : Pourquoi on se nomme féministe si on ne s’intéresse pas à tous les besoins de la femme, et notamment le choix vestimentaire qu’elle opère elle-même ? Pourquoi ne trouve-t-on pas la même énergie quand il s’agit d’appeler au boycott de ces marques quand il y a une injustice sociale vis-à-vis la main d’œuvre utilisée par ces enseignes ? Pourquoi celles qui prétendent défendre le droit de toutes les femmes ne défendent que les droits qui leur sont chers à elles ? La mode est-elle juste « occidentale » ? Ces marques dont il est question ne sont-elles pas implantées partout dans le monde, ce qui légitime leur choix de satisfaire leurs clientes dans le monde entier ? Et surtout, pourquoi, il y a encore des gens qui parlent à la place des autres, en niant l’existence de la personnalité libre, du choix libre et du comportement libre de la femme voilée ? Y‑a t‑il une loi qui prescrit aux gens la manière dont ils doivent s’habiller ? Cette même « liberté », n’est-elle pas un moyen détourné d’opérer une censure vestimentaire ?

Moi, qui suis voilée, j’ai décidé librement de couvrir ma peau et ma tête (et non pas mon cœur ou mon cerveau). Ni mon père, ni mon mari ne m’ont obligé à le faire…c’est mon choix, c’est ma manière d’exister et c’est surtout mon mode de vie, défendable tant que je vis dans le respect total des lois de mon pays, qui est ouvert et qui restera ouvert à toutes les religions, à toutes les cultures et à toutes les pensées…

En guise de conclusion, j’aimerais bien qu’on puisse lire ces femmes soit-disant « enfermées » et les entendre afin de mieux les connaître, puisque parler à leur place de cette manière ne fait que favoriser leur emprisonnement moral…

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Infos de l'auteur

Fascinée par les belles lettres, égarée dans les rimes et amoureuse de Trappes, j'adore l'écriture en générale et la poésie en particulier. Master II littérature générale et comparée. Prix de poésie pour la francophonie en 2010 et prix Halaly de poésie en 2015.