Sandra Valade, la médiatrice et formatrice au numérique qui accompagne des mamans solos.
Sandra est une ancienne maman ayant élevé seule un enfant. Elle explique comment elle s’en est sorti, et comment elle aide d’autres mamans solos à s’en sortir, grâce au numérique.
« Ma carrière, je l’ai choisie. J’adore travailler avec les gens » répond Sandra Valade, 43 ans, quand on lui demande pourquoi elle a choisi sur le métier de formatrice et médiatrice aux métiers du numérique. Depuis maintenant près de deux ans, à Élancourt et à Trappes, elle écoute, conseille et forme des personnes à la recherche d’une orientation ou d’une reconversion professionnelle dans ce secteur d’activité.
Même si elle s’occupe aussi d’autres types d’adultes, « je ne saurais dire pourquoi, j’attire plus le profil des mamans de tous âges. Peut-être parce que j’en suis une ou que suis une femme, et que je les comprends » constate Sandra en souriant. Et « il arrive très souvent que j’aie à faire à des mamans seules et isolées » avoue-t-elle d’un air contrit.
Parmi ces mamans, certaines cherchent à entamer ou à reprendre leur carrière après l’avoir arrêtée un moment, pour s’occuper d’un ou de plusieurs enfants. Et alors elles viennent se préformer aux métiers du numérique pour devenir community manager, web designer, conseillère numérique, ou pour apprendre à faire du développement web ou encore de la cyber-sécurité.
Pour celles qui élèvent seules leurs enfants et ont fait l’expérience parfois traumatisante d’une séparation, reprendre une formation fait partie d’un processus de reconstruction, d’une recherche d’équilibre.
Pendant les pauses dans leurs formations, toutes ces mamans se retrouvent au sein d’un espace convivial du campus numérique d’Élancourt, ouvert à tous, nommé le tiers-lieu, qui leur permet de partager leurs difficultés dans leur apprentissage, ou des conseils pour réaliser leurs projets liés aux numériques. Les discussions avec Sandra ne tournent pas qu’autour du numérique. On parle bien-être, éducation des enfants, et il arrive que les participantes y créent des relations d’amitié.
« prendre son temps pour guérir. »
Les discussions font vite comprendre qu’avant d’accéder à cette étape qu’est la reprise de formation, c’est toute une vie qu’il faut reconstruire et réorganiser. « Quand on est séparée de l’autre parent, on a besoin de se retrouver » explique l’une d’entre elles. Une autre parle même de « prendre son temps pour guérir. » Puis vient le temps d’essayer de « donner un équilibre a son enfant. Et le sien passe par votre équilibre à vous », « on est censée être père et mère », « être ferme et en même temps être douce », témoigne une autre.
Une maman du tiers-lieu oriente alors la conversation sur la question du regard des autres. Regard pas aussi biaisé qu’on le pense, selon elle : « Il arrive qu’on se pose des barrières en pensant que les autres nous jugent » explique-t-elle, avant de concéder que ce regard peut aussi être paralysant quand il faut « faire face à des commentaires désobligeants de certaines personnes ». Il suffirait alors de « supprimer ces gens de nos vies, si on en a l’opportunité » explique-t-elle, comme un conseil qu’elle donnerait à tout le monde, et un peu à elle-même.
Ce regard qui gêne, c’est parfois le regard des autres femmes. Amies, connaissances, qui auraient peur de les inviter chez elles parce qu’« elles pensent qu’on leur piquerait leur conjoint », expose une participante.
Ces mamans seules et leurs problèmes, Sandra les comprend. La native de Montpellier, montée à Paris en 2021 avec son compagnon, après le Covid, se confie d’un air triste : « Je suis restée maman solo et isolée pendant 5 ans. » Elle aussi a connu la vie avec le RSA, la précarité, la solitude. Je ne pense pas « qu’on est parent solo par choix. Par dépit d’une situation peut-être, les circonstances de la vie... » Une pause. Puis elle continue en affirmant : « D’autres sont rejetées par leur famille pour avoir choisi d’être maman solo. C’est le cas de certaines mamans que je suis en formation », avoue-t-elle, amère. Mais, elle, a eu la chance d’avoir des parents et des amis qui lui ont tendu la main : « Ça a été ma chance », témoigne la formatrice, qui si elle n’a « pas choisi d’être mère seule », voit du positif dans cette période de sa vie qui « m’a fait grandir, car je n’avais jamais soupçonné être capable de me battre à ce point », explique Sandra.
"Je dirais que pour s’en sortir, il faut croire en soi, et se dire que ça va aller."
Pourtant, « Au début c’est difficile d’y croire quand tu vois la situation catastrophique qu’est ton quotidien. » Pour Sandra, quand on commence à élever seule son ou ses enfants, « le début n’est pas facile et évident. » Et ne pas comprendre cela quand on est formatrice, c’est passer à côté d’un élément essentiel au succès du processus de remise à niveau professionnel. « Je dirais que pour s’en sortir, il faut croire en soi, et se dire que ça va aller. Je sais bien que quand on est tout en bas, on a du mal à y arriver. Mais gardez la foi en vous », leur conseille-t-elle. Elle aussi, explique-t-elle, a eu « un passé sombre et difficile. »
Passionnée d’art et de photographie depuis son plus jeune âge, après un diplôme d’histoire de l’art et archéologie obtenu en 2002, elle décide de se lancer deux ans plus tard comme photographe, après un CAP obtenu en distanciel pour pouvoir concilier travail, parentalité, et activités bénévoles de radio, photo, et autres ateliers numériques pour diverses structures associatives. Maman solo depuis 2006, elle exercera comme cela jusqu’en 2016, quand l’association ACLE, une des structures pour lesquelles elle agissait bénévolement à Montpellier, lui propose un poste, en 2016. Elle accompagnera alors les élèves de 6 à 18 ans d’un quartier prioritaire de la ville jusqu’à la période COVID, et sa montée en Ile-de-France.
Pour celle qui souhaite accompagner au mieux ces hommes et des femmes en recherche d’insertion ou réinsertion professionnelle, ou de jeunes adultes décrocheurs, une nouvelle formation pour devenir spécialiste des outils du digital et le métier de médiatrice numérique s’imposera comme une évidence, pour celle qui accueille les jeunes et moins jeunes sur le campus numérique d’Élancourt les lundis et mardis.
"Au début de ma vie de maman solo, on me l’a proposé cette aide. Mais que je n’étais pas encore prête"
Mais comment commencer à s’en sortir, concrètement, quand on est au plus bas ? Selon Sandra, en acceptant de recevoir de l’aide. Pas toujours facile. « Au début de ma vie de maman solo, on me l’a proposé cette aide. Mais que je n’étais pas encore prête, car en vrai, parfois, on est très fière, et l’aide, on ne la veut pas. On est persuadées d’y arriver par nous-mêmes. Sauf que parfois on n’y arrive pas. Et moi, je n’y suis pas arrivée au début » admet-elle.
« Isolée. Même à la CAF - la caisse d’allocations familiales- on te le dit bien : « Vous êtes parent seul isolé. » Et ce n’est pas faux, selon elle, car « quand tu n'as pas d’emploi et de ressources, tu ressens de la solitude. » Alors, à cette époque, Sandra mobilise son énergie et accepte de retourner voir les personnes qui lui avaient proposé une première aide. Fruit de cette expérience, la formatrice distille souvent un autre conseil aux mamans qu’elle accompagne : Ne surtout pas avoir honte et hésiter à faire ce premier pas : « Bonjour, je viens pour un renseignement. »
Pour Sandra, ce premier pas consiste aussi à se tourner vers la mairie de sa ville « pour savoir quelles aides ils pourraient me donner, dans ma situation », détaille-t-elle. A cette époque, elle se présente, expose sa situation « et j’ai demandé de l’aide. Pour avoir une place à la cantine pour mon enfant, si je trouvais un emploi ». Car sans cantine, « bonne chance pour trouver du travail », précise-t-elle avant d’ajouter que la mairie l’a aussi aidée « à débloquer des aides de la Caf, les aides de l’état pour aider les parents seuls en vue de financer une place de garderie, et même voir pour des aides à la formation. » Elle demande ainsi par la PAJE, aide versée par la Caf pour les enfants de moins de 6 ans gardés par une assistante maternelle agréée ou une garde d'enfant à domicile.
« concilier ses heures de travail et de transport, avec celles de l’école, de la garderie »
Et puis, sur le bassin de Saint-Quentin en Yvelines, cette militante associative qui mène depuis 2014 le projet photographique Pix’elles en vue de valoriser l’estime et la confiance en soi des femmes par des portraits, s’appuie sur un réseau de centres sociaux et d’« associations qui aidaient les gens dans des situations difficiles ». Restos du cœur, Secours populaire, Secours catholique, « tout ça, je ne connaissais pas », explique-t-elle.
Quand tout est à peu près stable du côté de la vie personnelle, se pose seulement alors la question de la recherche d’un emploi. Elle prend rendez-vous avec un conseiller Pôle Emploi, à qui elle explique : « j’ai besoin de retrouver un équilibre professionnel et gagner de l’argent, et m’occuper de mon fils. »
Il faut alors une très bonne organisation de son planning de vie. Sandra conseille à ses protégées faire attention, avant de se lancer dans une formation ou emploi, de bien « concilier ses heures de travail et de transport, avec celles de l’école, de la garderie », ou d’un mode de garde d'enfant pas trop cher. Seule avec un enfant, impossible de travailler à n’importe quel endroit.
Une dynamique positive d’emploi peut alors s’enclencher, que d’autres éléments peuvent venir néanmoins vite perturber. Et notamment la vie sentimentale. « On veut faire en sorte que notre enfant ait un équilibre. On veut éviter de bouleverser cet équilibre avec des relations qui pourraient ne pas marcher, explique Sandra. Ces relations nouvelles, qui peuvent se transformer en nouvelle « déception amoureuse », « en chagrin », raconte la maman, qu’on devra surmonter. Et vite « se relever, pour ne pas se trouver dans la galère après. » De nouveau. « Il est donc important de savoir qui nous faisons entrer dans nos vies, à notre enfant et à nous. C’est toujours un risque à prendre, car même si on est maman, on a un cœur et des sentiments. »
Dissane KAFECHINA.