Des étudiants en sociologie entre abstention et vote de conviction

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Salim et Franck ont 24 ans, Tristan, 25 ans. Étudiants ou tout juste diplômés de l’Université de Versailles Saint-Quentin en Yvelines et en recherche d’emploi, ils livrent leurs ressentis sur le second tour des élections présidentielles.

« -Lequel des deux candidats aimerais-tu voir passer au second tour ?

  • Aucun des deux parce que c’est exactement la même chose.

- Aurais-tu préféré que ce soit un autre candidat en dehors de Macron ou Le Pen ?

  • Non. Aucune préférence. Je n’ai pas voté au premier tour et je ne voterai pas au second tour.

- Mais ne penses-tu pas qu’il est nécessaire de voter Macron pour faire barrage à Le Pen ?

  • Non je ne crois pas en cette idée de barrage. »

Salim est français, d’origine algérienne. Il fait partie de ce grand nombre d’abstentionnistes qui aujourd’hui ne croient plus dans l’offre politique qu’on leur propose. Cet étudiant en sociologie considère que le véritable problème réside en fait non pas dans tel candidat ou tel autre, mais bien dans le système lui-même. « Que ce soit Macron ou Le Pen, de toute façon c’est la même chose. » A 24 ans, le jeune homme est aujourd’hui en troisième année de licence de sociologie et porte pourtant un intérêt particulier à la politique. Il affirme en effet que s’abstenir n’est pas synonyme de désintérêt. Pour lui, s’abstenir c’est aussi prendre position, contre l’ensemble du système politique. « Qu’il s’agisse de politique intérieure ou extérieure, elle ne dépend pas de la seule volonté du chef de l’État, mais bien des instances européennes et mondialistes. Donc à partir de là, tout ce qu’on nous promet, c’est du vent », explique-t-il. La marge de manœuvre du chef de l’État serait extrêmement étroite et par conséquent il demeurerait en situation de perpétuelle dépendance vis-à-vis de certaines instances européennes voire internationales. Le FMI par exemple.

En matière de politique intérieure, Salim ne croit pas non plus en l’idée du “tous contre Marine Le Pen”, comme le préconisent de nombreux politiques opposés au Front National. « Cette idée de faire barrage, c’est du théâtre pour moi. » N’optant pour aucun des deux candidats aux présidentielles, il ne se considère pas comme faisant partie des indécis. Pour lui, Emmanuel Macron est le symbole de ce qui serait la dérégulation du travail et la paupérisation des peuples : « Ça va créer des clivages encore plus grands entre les riches et les pauvres. Il ne faut pas oublier que la loi travail, en réalité, c’est la loi Macron portée par El Khomri. »

Il qualifie Marine Le Pen comme « celle qui veut se faire passer pour une femme traditionaliste catholique alors qu’en réalité elle n’a rien de catholique. Elle a juste grandi dans un milieu aisé et favorisé. » Salim reproche également à la candidate du FN de focaliser son argumentation autour du « fondamentalisme islamiste » qui selon lui est un faux problème en France. Éprouvant toutefois une certaine méfiance à l’égard des intentions de Marine Le Pen si celle-ci venait à être élue, le jeune français de confession musulmane relativise : « Je pense malgré tout que Macron ça reste préférable parce que si c’est lui, chacun fait ce qu’il veut, chacun est libre, tu vois. Donc ouais Macron dans une certaine mesure. Pourquoi pas. »

Tristan est comme Salim étudiant en sociologie. Il a, quant à lui, opté pour ce qu’il considère être le « vote utile ». Estimant ne pas se retrouver du tout dans les idées de la candidate du Front National, le jeune étudiant en sociologie explique qu’il votera contre Marine Le Pen au second tour : « Je vais voter Macron parce que je n’ai pas du tout envie que Marine elle passe. C’est quand même le FN en face, donc voilà quoi. » Il admet que son choix premier se serait porté sur Benoit Hamon. Il estime se retrouver davantage dans les idées du candidat socialiste, jugeant son programme cohérent. « En 2e position Mélenchon parce que je me considère plus de gauche et j’appartiens à un groupe d’amis dans lequel on se considère plutôt Mélenchonistes. Et en 3e position Macron. Je n’aurais jamais voté ni Le Pen ni Fillon » confie-t-il. Déjà déçu par certaines politiques menées en 2005 par François Fillon, à l’époque Premier ministre de Sarkozy, Tristan s’imaginait encore moins voter pour le candidat des Républicains suite à ses affaires financières, notamment au « Penelope Gate ». Quant à Marine Le Pen, le jeune sociologue qualifie son discours de « trop populiste », tout en jugeant le passé du Front National comme étant loin d’être irréprochable.

Voter utile ne l’empêche pas pour autant d’entendre les voix des abstentionnistes : « Je comprends ceux qui ne veulent pas aller voter. Ça traduit un certain ras-le-bol de leur part. Forcément, tous ceux qui ont voté Mélenchon ont été très déçus de ne pas passer, de justesse. Et puis y’en a parmi eux qui ont en ras-le-bol de ce système politique. Mais moi, je préfère voter Macron et ne pas risquer. » Tristan est loin de partager l’avis de certains révolutionnaires mécontents, selon lesquels il faudrait voter Marine pour que ça « pète » une bonne fois pour toutes, et que les choses changent. « Ça se peut que Marine passe, et on risque au final de ne jamais voir la révolution. On serait obligé de subir sa politique. Moi, je n’ai pas envie de subir ça. »

Franck, tout juste diplômé en sociologie, a choisi de voter pour Emmanuel Macron au second tour des élections : « Macron est situé politiquement centre-droit et c’est là aussi que je me positionne. En plus, c’est un jeune, il est dynamique avec pas mal d’expérience dans la finance et les affaires. Donc, au niveau économique, je pense qu’il a un très bon programme. » Il insiste également sur le fait que son candidat n’a pas trente ans de carrière politique derrière lui. Donc pas d’affaires frauduleuses sur le dos. Contrairement, selon lui, à Fillon ou Le Pen. Au final, « il y en a, ça fait trente ans qu’ils sont là et ils n’ont rien fait. Donc pourquoi pas essayer Macron ? »

Le jeune diplômé est d’ailleurs convaincu que son candidat favori l’emportera haut la main devant Marine Le Pen, le 7 mai prochain : « Étant donné que moi, j’aime bien Macron, c’est beaucoup mieux d’avoir le FN en face parce que là, on est certains de gagner plutôt que Mélenchon. Si c’était Mélenchon, c’est clair que ce serait plus difficile. » Il n’est pas non plus question pour lui de « faire barrage. » S’il vote Macron, c’est qu’il apprécie le candidat « Moi, étant donné que j’adhère à ses idées, je n’ai pas besoin de faire barrage. Mais c’est clair que pour ceux qui n’adhèrent à aucun des deux candidats, oui, il vaut mieux faire barrage. » Il en appelle aux indécis, arguant à ce propos que la situation économique sous le FN aurait des conséquences négatives. S’en suivraient alors, selon lui, de nombreuses manifestations dans le pays. « Là où j’ai des réserves par contre, c’est en ce qui concerne l’Assemblée nationale. S’il n’a pas la majorité, on va peut-être élire quelqu’un, mais ça va servir à rien, quoi. »

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Infos de l'auteur

Étudiant de 24 ans en dernière année de Licence de Sociologie et résident à Montigny le bretonneux. Passionné de musculation et des sports de combat. Je m'intéresse particulièrement aux sciences sociales, aux langues et enjeux politiques et géopolitiques. Le Trappy Blog c'est pour moi le moyen d'acquérir une expérience et de m'exprimer.