Une entrée précipitée sur le marché du travail pour mettre un terme aux échecs scolaires


Comme beaucoup d’autres, après un parcours scolaire et universitaire compliqué, Farah (le prénom a été modifié) a finalement lâché ses études dans le supérieur quand on lui a proposé un emploi ne nécessitant aucun diplôme. Récit d’un décrochage.

 

« J’étais obligée d’arrêter les études pour accepter cette opportunité », explique Farah, 21 ans, résident dans le quartier de Orly Parc à la Verrière, après avoir connue de multiples échecs au lycée et à l’université. Le fait de finir par se résoudre à arrêter ses études, sa jeune sœur de 16 ans, diabétique depuis sa naissance, y est pour quelque chose. « J’ai toujours accompagné ma sœur à ses rendez-vous médicaux à l’hôpital Mignot à Versailles. La directrice du service, qui me connaît bien, m’a proposé un poste à l’accueil, dans l’administratif. »

Après avoir réfléchi et demandé l’avis de son entourage familial, Farah a fini par accepter la proposition. « Je savais que c’était pas la meilleure solution de refaire ma deuxième année de licence, que j’aurais encore ratée, je suis sûre », confie-t-elle en référence à la longue suite d’échecs scolaires et universitaires qu’elle a connue. « J’avais peur de finir en dépression. »

Farah commencera ainsi à travailler à partir de la mi-septembre, au lieu de s’asseoir sur les bancs d’un amphithéâtre de l’université Saint Quentin en Yvelines, pour recommencer une deuxième année de licence d’Eco Gestion, ou bien dans une salle de classe de son ancien lycée, qui propose un BTS pour lequel elle est toujours en attente de réponse. Farah ne souhaite pourtant pas abandonner définitivement les études, et dit vouloir de nouveau s’inscrire sur Parcoursup l’année prochaine, dans l’espoir d’être prise au sein du BTS qu’elle souhaitait intégrer cette année. « Franchement je vais retenter l’année prochaine, mais si ça marche pas, j’arrêterai tout définitivement. En attendant, ça me permettra de mettre pas mal d’argent de côté cette année », se rassure la jeune femme.

Assise sur le banc en bois juste en bas de chez elle, la jeune femme, qui a l’impression d’avoir enchaîné les désillusions scolaires, se remémore : « Quand j’ai raté mon bac S la première fois, je me suis promis de ne plus jamais continuer les études dans ce domaine. Ce n’est pas fait pour moi les maths, la physique, la SVT, etc… » Farah se souvient avoir souvent vécu comme des échecs les nombreuses notes en dessous de la moyenne dans ces matières, qu’elle recevait régulièrement comme des humiliations.

"C’était une année super longue, avec un stress pas possible parce que je savais que je ne pouvais pas me louper cette fois-ci."

L’étudiante se rappelle s’être sentie très seule à devoir refaire son année, après avoir raté son bac. « C’était une année super longue, avec un stress pas possible parce que je savais que je ne pouvais pas me louper cette fois-ci. J’avais hâte que ça se termine ! J’y croyais même plus à la fin », admet-elle. Pourtant, ce bac, elle l’a bien eu.

Mais, par la suite, Farah ne savait pas bien dans quel domaine elle souhaitait s’orienter pour ses études supérieures. « J’ai toujours voulu travailler dans le domaine médical. Avec ma sœur diabétique de type 1, depuis sa naissance, j’ai dû aider ma mère pour les rendez-vous médicaux et j’ai toujours aimé ça. » Mais qui dit études médicales, dit maths, et Farah ne voulait plus du tout retrouver des maths en étude supérieure. ParcourSup « ne lui a pas laissé le choix, se rappelle-t-elle. J’ai postulé dans beaucoup de licences mais très peu m’ont acceptée. Ou sinon elles n’avaient aucun rapport avec mon projet pro, qui est de travailler dans le domaine du commerce. » L’étudiante s’oriente alors vers une licence d’Eco Gestion, « une licence avec une diversité de matières importante. »

Dans un contexte différent de celui des règles du lycée, au début, tout se passe bien. « J’ai enchaîné les bonnes notes, surtout au début de la licence. Ça m’a fait tellement du bien de quitter le lycée d’arriver à la fac », se souvient-elle. A la fin de l’année universitaire, l’étudiante est fière de pouvoir dire à ses proches qu’elle passe en deuxième année, et a pu par la même occasion reprendre un peu confiance en elle-même.

Néanmoins, au début de cette deuxième année, l’étudiante n’était pas très confiante sur sa réussite. « Quand j’écoutais les anciens élèves, ils nous ont tous dit que la deuxième année n’avait rien à voir avec la première, et qu’il fallait vraiment s’accrocher. Et moi, j’avais validé à 11 de moyenne la première année, alors que j’ai bossé comme une folle pour les partiels », raconte-t-elle en ouvrant sa bouteille d’eau pour se déshydrater. « Je savais qu’il fallait que je travaille encore plus que la première année, mais certaines matières comme la macro-économie devenaient de plus en plus difficiles », déplore la future salariée.

"Je me suis rendue au premier partiel, mais impossible d’aller aux autres"

Le niveau des maths devenait de plus en plus dur et Farah n’arrivait pas à suivre. Plus les mois passaient et plus les mauvaises notes s’entassent, surtout dans les matières ou les maths étaient importantes. Mais l’étudiante, qui travaille en parallèle de ses études en tant que vendeuse dans une boutique de lingerie à Maurepas, est toujours déterminée, et ne baisse alors pas les bras. Pour elle, « il était hors de question pour moi de rater deux années étant donné que j’étais déjà en retard d’un an. » Mais, après plusieurs mois d’hésitation elle doit se rendre à l’évidence. Le mieux est de changer de voie. « J’ai mis du temps à prendre la décision de me réinscrire sur ParcourSup, concède Farah avec tristesse. J’avais l’impression de reprendre du début et c’était une nouvelle fois un échec pour moi. »

« J’ai fait la lettre de motivation à la va-vite, la veille de la date de fermeture des vœux, pour être sûre de ne pas regretter de ne pas m’être inscrite », en ne postulant que pour un seul BTS proposé par le lycée des Sept Mares, à Maurepas. « C’est le lycée dans lequel ma sœur est en 1ère. On est très proche, donc ça m’aurait permis d’être avec elle. » Après avoir validé ses vœux, l’attente des résultats est longue nous confie Farah. Longtemps, la jeune femme a été sur la liste d’attente « à la troisième place ! » s’exclame-t-elle, en se rongeant mécaniquement les ongles au souvenir de ce stress. Farah regrette alors de ne pas avoir postulé dans d’autres établissements, et se dit, qu’à tout prendre, elle pourrait s’inscrire de nouveau à l’université. Défaut d’accompagnement, méconnaissance des systèmes de l’enseignement supérieur, réponse tardive et incertaine, la proposition de poste à l’hôpital Mignot a mis un terme à ces incertitudes.

« C’est bizarre parce qu’une fois que j’avais pris la décision de changer de voie, j’avais plus aucune motivation pour la licence. Je me suis rendue au premier partiel, mais impossible d’aller aux autres », s’étonne la jeune femme, sachant qu’elle ne validerait pas son année. Comme si elle décompressait d’un coup de toute cette pression constante. Pourtant, « normalement j’étais obligée d’aller à l’ensemble des épreuves si je voulais garder ma bourse », reconnaît-elle. Farah a écrit un courrier à l’école expliquant sa situation et en mettant une copie de ses vœux Parcoursup, auquel elle attend encore une réponse. « Je m’en fiche. Même s’il faut rembourser la bourse, je le ferai », décrète la jeune femme.

 

Natacha Nedjam


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