Histoire d’un passage à l’âge adulte entravé par le chômage


Rémy (le prénom a été modifié) a vécu une expérience compliquée de passage à l’âge adulte à cause de la situation de chômage dans laquelle il s’est retrouvé. Retour sur son parcours, dans la banlieue de Chartres, à partir d’un travail sociologique effectué en mars 2019, en partenariat avec le Master 2 DSU de l’université de Versailles ‑Saint-Quentin. 

 

« Je supporte pas de vivre sur le dos de l’état. J’ai l’impression d’être une espèce de sous-classe de la société ». Rémy, 19 ans, est au chômage. Il est retourné vivre chez ses parents, à Chartres, dans le département de l’Eure-et-Loir, depuis la fin de son CAP d’assistance technique en instrument de musique, option guitare. A la fin du collège, le jeune homme, guitariste amateur, se rend compte que les études ne sont pas faites pour lui. Pourtant, à la fin de son CAP, Rémy aurait souhaité poursuivre ses études supérieures. Mais comme il ne trouvait pas de patron, il y met un terme, et se trouve depuis sans emploi fixe. Il n’est pas le seul dans ce cas. « On était trois à avoir fini notre CAP, et on se retrouve tous les trois au chômage. » raconte-t-il.

Rémy raconte mal supporter cette situation, et particulièrement le fait de vivre des différentes aides de l’Etat. « Au ciné vous avez un tarif chômeur. C’est con mais c’est ce genre d’aides qui des fois peuvent vous aider justement quand vous n’avez pas forcément d’argent », afin de pouvoir continuer à sortir et à maintenir d’anciennes relations. D’un autre côté, ces « aides à la con » mettent Rémy mal à l’aise, lui donnant l’impression de ne pas être comme tout le monde, de ne pas gagner sa vie comme il faudrait. « T’as pas l’impression d’être une personne normale justement, quand on te fait des espèces de réduc’ comme ça », explique-t-il.

"C’est surtout les parents que ça fait chier, quoi."

Sentiment de honte, d’inutilité, exacerbé par le fait qu’il se souvient avoir été autonome pendant ses deux ans en CAP, lorsqu’il avait un statut social valorisé. Seulement, ne trouvant pas d’emploi et n’ayant plus de revenu, Rémy se trouve contraint de retourner chez ses parents. « C’est surtout les parents que ça fait chier, quoi. Parce qu’ils préféraient justement me voir travailler plutôt qu’être chez eux. Plutôt que de vivre sur leurs dos, quoi ». Devoir vivre sur le dos de quelqu’un, ne pas être autonome, dépendre de ses parents pour vivre convenablement, leur donner une mauvaise image de lui. Mais aussi à ses proches, ceux avec lesquels il sortait encore régulièrement, sans se poser de question, quelques mois auparavant « C’est jamais agréable de se retrouver avec un ami qui fait rien de ses journées. » reconnaît-il. Et plus largement, « c’est jamais vraiment une bonne chose pour l’entourage d’être au chômage » analyse-t-il.

Bien qu’il tienne à préciser qu’il ne passe pas son temps à « glander à la maison pendant toute la journée, à rien faire », le jeune homme se rend compte qu’il stagne dans sa vie d’adulte, alors qu’il fait tout pour se sentir utile en retrouvant un emploi et, par ce biais, un statut social qui lui conviendrait mieux.

Le jeune homme explique être « facilement inscrit dans 5 boîtes d’intérim dans tout Chartres ». Il évoque alors des relations compliquées avec les entreprises d’intérim, qui ne l’aideraient pas, ou pas suffisamment, pour le sortir de sa situation. « Ils t’aident vraiment pas à ce niveau-là, quoi. Limite, j’ai l’impression qu’il faut que tu les appelles tous les jours pour bien leur casser les couilles, alors qu’ils sont en train de boire un café » se plaint-il.

"Bah ouais, je peux en parler. J’aimerais partir en gendarmerie, être dans l’action, et servir mon pays."

Pourtant Rémy se dit prêt à accepter n’importe quel emploi. Mais il ne trouve pas de mission. Il a pourtant l’impression de faire ce qu’il faut pour sortir du chômage, mais cela ne suffit pas. La situation commence à durer, et le regard de son entourage à devenir de plus en plus pesant. C’est l’identité sociale de Rémy qui est en jeu, et cette situation le plonge dans une profonde souffrance.

Au final, après plusieurs mois au chômage ou à obtenir quelques missions d’intérim, la situation pousse Rémy à envisager de faire le deuil de sa volonté d’allier passion et travail, et le pousse à s’engager dans la gendarmerie, bien loin des valeurs dominantes dans le milieu des musiciens amateurs. « Bah ouais, je peux en parler, admet-il. J’aimerais partir en gendarmerie, être dans l’action, et servir mon pays. »

Être militaire, servir ses concitoyens, retrouver un cadre, une certitude, la garantie d’un emploi durable, mais aussi un statut social valorisé par ses proches. Pour passer enfin à une autre étape de sa vie, Rémy invoque le fait d’être au service, des gens, de son pays, afin de sentir finalement de nouveau utile. « En fait, j’ai toujours aimé être au service des gens. Quand on répare des grattes, forcément, on est à l’écoute du client.

 

Théo Jego

Cet article a été produit en collaboration avec le Master 2 ” Sociologie Politiques sociales territorialisées et Développement social urbain ” de l’université de Saint‐Quentin‐en‐Yvelines.


Articles similaires

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'installation et l'utilisation de cookies sur votre poste, notamment à des fins d'analyse d'audience, dans le respect de notre politique de protection de votre vie privée.