
Dans les locaux de la MIRE, Maison des Initiatives de la Réussite de la verrière dans le sud Yvelines, s’organise depuis deux samedis après-midi, des ateliers d’écritures avec l’écrivaine comédienne Laureline le Bris-Cep. Reportage.
« Je crée des pièces de théâtre à base de mon vécu personnel et les problématiques de la société » annonce Laureline le Biceps, 34 ans, originaire de Chanteloup les vignes dans les Yvelines, écrivaine comédienne metteuse en scènes et autrice, qui dirige une compagnie de théâtre le biceps depuis près de trois ans.
Depuis deux samedis déjà, Laureline anime un atelier d’écriture avec des jeunes filles de la commune de la Verrière et des alentours. Organisé par Lhocine Houli, le coordinateur en insertion des jeunes de 16 ans à 25 ans à la Maison des Initiatives et de la Réussite (Mire), cet atelier a pour but de leur faire aimer l’écriture et la lecture.
En ce début d'après-midi, Nesserine, Fatiha, Zéhina, Jessica, toutes trois 18 ans, et moi, sommes installées autour d’une table feuille et stylo dispersés devant nous. Nous sommes toutes de la Verrière, sauf Jessica, qui est de Trappes, et qui est venue avec ses copines.
« Nous allons commencer par un exercice de relâchement » annonce Lauréline. Nous longeons donc ensemble les murs de la Mire, réalisant une série de pas et de mouvement circulaire des bras. « Cet exercice a pour but de vous détendre, de faire du vide et de se recentrer », explique l’autrice.
« Dites-vous que vous écrivez dans votre journal intime, comme cela le départ vous sera plus facile »
Une fois de nouveau à table, avec feuilles et stylos, Laureline nous propose de commencer l’écriture sur le thème : « Se remémorer un événement marquant de nos 13 ans ». Un lourd silence s’installe entre les filles, qui se dévisagent afin de trouver entre elles de l’inspiration pour débuter leurs écrits. « Je ne saurais pas quoi dire de mes treize ans » lance Jessica au bout de la table, Nesserine approuve. A mes côté Zéhina « c’est vrai que c’est dur, il n’y a rien de marquant à cet âge », soutient-elle. « Dites-vous que vous écrivez dans votre journal intime, comme cela le départ vous sera plus facile », leur conseille alors Lauréline, pour les mettre en confiance.
Au bout d’une trentaine de minutes chacune avait fini, ou presque, son écrit. Assises en cercle, chacune de nous avançait à tour de rôle pour lire ses écrits devant les autres, toute ouïe, Laureline mettant en scène l’entrée de chaque participante pour que cela ait l’air d’une pièce de théâtre. Jessica s’avance donc, se tient devant nous et nous lit son texte, aussi captivant que drôle, décrivant une journée typique de ses treize ans, collège, copines, copains, maison … Au tour de Nesserine, de nous lire son écrit, élaboré à partir de souvenirs familiaux et de journées avec ses frères et sœurs. Ensuite vient le tour de Zéhina, un peu timide à l’idée d’être au centre de l’attention, mais qui finit par être à son aise et nous raconter une sortie avec sa sœur. Fatiha, quant à elle, nous confie « j’avais déjà fait du théâtre au collège, mais je n’avais pas trop aimé », et pourtant son récit et sa mise en œuvre était très correctes. Il était donc mon tour de lire mes écrits et de jouer le jeu d’une entrée théâtrale. Je me suis remémoré plutôt une journée de mes dix-huit ans, chez mon oncle, à Cotonou la capitale du Bénin au moment de préparer mon baccalauréat. Les écrits de chacune d’entre nous ont été applaudis.
C’était donc la fin de cette séance, mais pour la prochaine séance un autre exercice nous a été demandé, cette fois si la consigne disait « écrire une lettre à soi-même pour le futur », dans 10 ou 15 ans.
L'auteur nous explique que ces exercices permettent de prendre du recul sur ses pensées et ses émotions actuelles. En mettant par écrit ce que l'on ressent et ce que l'on espère pour l'avenir, on crée un espace de réflexion personnelle qui peut aider à clarifier nos objectifs et nos aspirations.
De plus, une telle lettre peut être un moyen de se reconnecter avec soi-même des années plus tard, en mesurant le chemin parcouru, évaluer nos progrès et comprendre comment nos priorités ont évolué. “Si j'en suis là aujourd'hui, c'est grâce à mes journaux intimes de mes treize ans que j'ai su réadapter en scènes de théâtres”, explique Laureline pendant l’atelier, le samedi suivant.
Cette fois-ci, Laureline avait apporté un sac dans lequel il y avait un doudou, une Ventoline, des coquillages, et plein d'autres accessoires. Assises en cercle, chacune d’entre nous devait piocher un objet pour inventer une histoire. Debout, au centre de la pièce, Laureline nous fait face et déclare “ En créant un lien avec chaque objet, on explore notre créativité et on découvre des récits uniques. C'est une belle façon d'apprendre à raconter et à partager des expériences."
Jessica pioche un doudou : ”Ce doudou m'a été offert par ma grande mère malade sur son lit de mort, depuis je ne m'en sépare pas. Voyez comme il est tout défait et vieux. Ça fait quelques années que je ne traîne partout”. Fathia, elle, avait pioché un cadre photo d'enfant. ”C'était le cadre photo de mon petit frère, raconte-t-elle. Regardez comment il est mignon. Je le garde sur ma commode depuis”. Nesserine, avec un coquillage. ”c'est un coquillage que j'ai ramassé sur la plage en Algérie, et on peut entendre le bruit de la mer à l'intérieur”. Quant à moi, j'avais pioché une Ventoline ”Cette Ventoline est comme mon ange gardien, elle m'a sauvé la vie plusieurs fois”.
"Je suis étonnée de constater qu'en 2025 il y a toujours des cons qui croient que les femmes n’ont toujours pas leur place sur le devant de la scène ! “
Hugo, coordinateur en charge des relations avec le public au théâtre de saint Quentin en Yvelines, a également participé à cet atelier d'écriture. Il était tellement enthousiaste qu'il a décidé de piocher dans le fameux sac plein de surprises de Laureline. A partir d’une boîte à bijoux, il partage une anecdote lui rappelant son enfance : ‘’Ma grand-mère aimait beaucoup les bijoux, et moi j'adorais les bijoux de ma grand-mère. En déménageant, elle m'a donné cette boite à bijoux remplie de ses bijoux que j'aimais tant. Depuis c'est mon trésor”.
Puis Laureline nous a demandé de décrire une de nos journées de la semaine écoulée, en mettant en avant quelque chose qui nous a énervés ou ravie. Chaque personne lisait à l'autre ce qu'elle avait écrit sur sa journée typique et ce qui l'avait agacé ou ravie. L'autre devait ensuite reformuler le récit en se mettant à la place de la personne qui avait vécu cette journée, comme si c'était elle qui avait vécu l'événement. En duo avec Nesserine, je me suis inspirée de la matinée passée, me rappelant avoir lu un commentaire misogyne sur une plateforme en ligne, qui m'avait fait sortir de mes gonds. Nesserine a ensuite dû faire tourner son imagination en écriture. A la fin du texte, elle se lâche : “Il faut dire que je suis étonnée de constater qu'en 2025 il y a toujours des cons qui croient que les femmes n’ont toujours pas leur place sur le devant de la scène ! “. Elle s’était approprié mon émotion et l'avait rendue de manière parfaite.
Après cet exercice, l'exercice de la lettre à son futur a permis à chacun de partager ses pensées. C'était émouvant de voir que les mots touchaient les uns et les autres, notamment Hugo, qui a dit qu'il avait envie de verser une larme. Et Laureline aussi semblait vraiment apprécier, ce qui nous a fait chaud au cœur.
Lors d’une pause, Laureline m'a demandé de réfléchir à ce que je dirais à une version plus jeune de moi-même. Je me suis imaginé face à moi-même à quinze ans. Je lui dirais de ne pas avoir peur de rêver grand et de suivre ses passions, même si ça semble difficile. Je lui rappellerais que les erreurs font partie de l'apprentissage et qu'il est important de rester fidèle à soi-même, même quand les autres essaient de te changer. Enfin, je lui conseillerais de prendre le temps d'apprécier les petits moments de la vie et de ne pas se précipiter vers l'avenir.
"Il faut comprendre que si tu veux écrire, il faut aussi savoir lire"
À la fin de ce deuxième atelier, on s'est assises en groupe avec les participantes et Lauréline pour faire une synthèse et un retour d’expérience de ce qu'on avait retenu, ce qu'on a aimé ou pas, des idées et des conseils qu'on a trouvés utiles.
Quand on leur a demandé ce qui les a motivées à participer à cet atelier d'écriture, les filles ont expliqué qu'elles ont toujours aimé écrire, et ont répondu que c'était leur envie d'améliorer leur écriture et de découvrir de nouvelles façons de s'exprimer. Les ateliers leur ont permis de sortir de leur zone de confort et d'oser écrire sans peur du jugement, le fait de se retrouver entre filles et en petit comité ayant été réconfortant.
"Il faut comprendre que si tu veux écrire, il faut aussi savoir lire, explique Lauréline. Car lire est essentiel pour se cultiver et enrichir son écriture ». Ces deux moments de création et de partage ont été une expérience inspirante et révélatrice pour toutes les participantes, leur permettant d'explorer leur créativité et de comprendre par où commencer et comment se lancer dans cette aventure littéraire.
DISSANE KAFECHINA