Le jour de vote est arrivé à Jean Macé


Dimanche 10 octobre a eu lieu le premier tour de l’élection municipale à Trappes. Regard sur la manière dont cette journée s’est passée pour une partie des habitants du quartier Jean Macé.

 

Une feuille A4 collée sur la porte vitrée du hall du bâtiment 7 affiche en gros en ce dimanche 10 octobre 2021 : « Aujourd’hui, on vote ! ». La pancarte vaut davantage information qu’injonction. Car en vérité, tout le monde le sait. C’est même, pour tout dire, le grand sujet du jour. Sur le parking qui borde l’entrée de la cité, dans ses allées parcourues par les trottinettes, au travers de la vaste étendue de pelouse verte qui relie les différents blocs, on s’hèle, on s’interpelle, on se chambre :

« – T’as voté ?

  • Bien sûr !
  • Pour qui ?
  • Ben pour le bon ! »

« Le bon » change au gré des interrogés. Qu’importe, l’essentiel n’est pas là. Hamid, un des « anciens » de la cité, connu de tous, est radieux. Il énumère ceux qu’il a vu partir au bureau de vote depuis ce matin, parfois en groupes mais aussi parfois en solitaire. Au cours de sa balade, il arrête inlassablement les différents jeunes qu’il croise pour leur poser la même question : « T’as été voté ? ». Les « oui » prononcés avec le sourire s’enchainent. Non loin de là, Naïla, présidente de l’Association Les mamans du cœur, constate, elle aussi, l’engouement du jour et confie, amusée : « Je les ai jamais vu aussi heureux de voter ! ».

« Le plus souvent les gens votent par intérêt personnel. Ils demandent ci ou ça. Moi je n’ai aucun intérêt privé, je suis allé au bureau de vote pour ma ville, pour qu’on améliore notre cadre de vie ».

Il est vrai que ce n’était pas gagné d’avance. Sur la table de ping-pong recouverte de canettes d’Ice tea ou de Cheryl coke ou au milieu des allers et retours des voitures le long des garages, les discussions sur le vote sont âpres. Ici, la tentation de l’abstention n’est jamais loin. Pourquoi ? Parce que, ici comme pour beaucoup de Français, voter ne « sert à rien », est « inutile » ou n’a « pas d’intérêt ». Ces phrases jaillissent ici aussi. Vingtenaires, trentenaires et quarantenaires confient sans travestissement qu’« entre nous, on ne parle pas trop politique ». Comme dans de nombreux endroits en France, les habitants de Trappes traversent de plein pied l’ère actuelle du désenchantement démocratique. Du fait d’une défiance vis-à-vis des institutions, du rappel d’expériences houleuses, de promesses déçues ; quelques fois aussi, du fait d’un manque d’intérêt avoué pour « la politique ». On est las au pays de la Révolution française de voir que le réel n’est jamais à la hauteur de l’idéal. En quittant notre discussion, un abstentionniste revendiqué le souligne avec une formule acide : « Hey, certains politiciens ont des casiers judiciaires plus chargés que nous ! ».

Le débat sur l’inégilibité des élus condamnés par la Justice n’est pas une question qui anime uniquement les spécialistes de droit constitutionnel. L’exemplarité est une notion qui parle. Les politiques doivent l’être. Les citoyens aussi. « Voter aujourd’hui », expose Madjid*, un passionné de politique, c’est contribuer « à changer la mauvaise image » qui peut coller à la ville. Le long d’un discours lucide et structuré, il poursuit : « Le plus souvent les gens votent par intérêt personnel. Ils demandent ci ou ça. Moi je n’ai aucun intérêt privé, je suis allé au bureau de vote pour ma ville, pour qu’on améliore notre cadre de vie ». Bilal* quelques instants plus tôt, confessant que c’était le premier vote de sa jeune existence, explique quant à lui l’avoir fait « pour le bien de la ville, pour le bien des habitants ». Hamid pouvait alors lui demander : « alors ça t’a fait quoi ? » et Bilal de répondre : « Ça m’a fait bizarre, au début je ne savais même pas comment fallait faire, puis après j’ai compris. Et ouais ça fait plaisir, je le referai ».

« Là, c’est concret, on voit les candidats venir dans le square, on peut leur parler puis mesurer les changements ».

Lorsque l’après-midi s’achève, que déclinent les dernières lueurs du jour, et alors que les résultats ne sont pas encore connus, le bilan de cette journée porte moins sur les candidats que sur une question plus profonde encore : Pourquoi votent-ils?. Interrogation fondamentale. Par espoir de « changer les choses », veut-on croire. Au crépuscule, parmi les débatteurs, les plus incrédules affichent une moue dubitative, d’autres ont des regards qui laissent poindre un « qui sait ? ». Il y a entre eux comme un pendule qui oscille. Mais contrairement à certains électeurs qui prônent un déplacement aux urnes uniquement pour les présidentielles, quelques voix sur le parking revendiquent un intérêt spécifique pour les municipales : « Là, c’est concret, on voit les candidats venir dans le square, on peut leur parler puis mesurer les changements ». Façon douce et polie de rappeler l’adage républicain : « le maire, c’est un élu à portée de baffes ». Alors, regain d’intérêt pour le municipalisme et les élections locales à Jean Macé, ou mobilisation liée à une campagne rugueuse qui a déchainé les passions ? Reste qu’avec 43% de votants parmi les inscrits au niveau de la ville, cette municipale, qui a enregistré 6% de participation supplémentaire par rapport à la précédente, signe le plus haut taux de votation des Trappistes depuis bien longtemps.

 

Thomas Jehan

 

* Le prénom a été modifié.


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