Après quelques mois de transports en commun obligés pour se rendre à Paris au travail et en cours, une étudiante en alternance de 21 ans de SQY raconte les impacts sur sa vie de ce changement radical.
« Je me lève à 6h00 alors que l’année dernière c’était plutôt vers 7h45 » explique Léa (le prénom a été modifié), 21 ans, étudiante habitant le quartier Louis Lumière à Guyancourt mais qui n’a pas trouvé de stage de Community Manager plus proche de chez elle que celui proposé par une entreprise du 18ème arrondissement de Paris. Environ 1h30 de transport le matin, c’est le temps, explique l’étudiante en levant les yeux au ciel, qu’elle doit passer « quand il n’y a pas de problème sur la ligne N ou sur le métro 13 ». 1h30, de quoi être obligée de trouver des occupations. « En général, le matin, je finis ma nuit dans les transports, avec la musique dans mes oreilles. Ou alors, quand je n’arrive pas à trouver le sommeil, je me balade sur les réseaux pour faire passer le temps » regrette-t-elle.
Au bout de seulement quatre mois, Léa ressent déjà énormément de fatigue et se demande comment elle va finir l’année. « Au début, je ne pensais pas que ça allait être aussi fatigant d’aller tous les jours à Paris, confesse l’étudiante. Je pensais que ça allait être rapide, un an. Mais bon, il faut juste que je m’habitue. C’est le changement par rapport à l’année dernière qui est compliqué », relativise-t-elle. « Heureusement que j’habite à côté de la gare. » Il est 17h40 et il fait nuit, ce samedi, à Saint-Quentin-en-Yvelines.
"Avant quand j’allais au travail ou à l’école, je pouvais discuter, chanter, je n’étais jamais seule"
L’étudiante, dans sa chambre, raconte subir un tout nouveau rythme, pas de tout repos, par rapport aux années précédentes. « J’ai passé mon bac juste en bas de chez moi, au lycée Breteuil. Et le DUT, c’était à Rambouillet à 40 minutes en transport mais 25 minutes en voiture, donc ça allait » se remémore Léa, une tasse de thé vert à la main pour se réchauffer. « Pour aller à Rambouillet je faisais du co-voiturage avec des copines de classe, donc je pouvais me réveiller plus tard. Je rentrais aussi beaucoup plus tôt des cours, ce qui me permettait de voir mon copain ou de faire d’autres choses après l’école. » Les transports, cette année, c’est aussi plus de solitude par rapport à l’année dernière. « Avant quand j’allais au travail ou à l’école, je pouvais discuter, chanter, je n’étais jamais seule », regrette-t-elle.
Côté alternance, tout se passait à Vélizy, à quelques kilomètres de chez elle. En plus, une de ses collègues habitait juste à côté de chez elle, « donc on faisait aussi du co-voiturage ». Mais aujourd’hui, la jeune alternante ne considère plus comme une option d’aller en voiture à Paris. « Hors de question. Déjà que je ne me sens pas très à l’aise en voiture, encore moins pour aller à Paris ! »
Paris pour le travail et pour l’école, parce que « le semestre dernier, je me suis rendu compte que j’aimais particulièrement le métier de Community Manager ». Après l’obtention de son DUT, elle décide de se spécialiser dès la rentrée 2021 en Markéting, et rejoint un Bachelor en alternance. Elle explique avoir alors choisi son école « parce qu’on me l’a beaucoup recommandée, et parce que c’était la seule école qui m’acceptait sans passer de concours payant. » Elle effectue sa troisième année d’alternance au sein d’une TPE spécialisée dans la commercialisation de radiateurs, climatiseurs et sèches-serviettes « J’adore mon travail et j’aime bien la formation que je fais, donc je suis contente, je sens que je suis sur le bon chemin », raconte la Saint-Quentinoise avec un sourire aux lèvres, mais elle tempère. « J’espère juste que je tiendrai le coup au niveau des transports sur le long terme. Sinon je suis foutu, je ne pourrai pas me mettre en arrêt. Mon patron me tuerait, il déteste ça. C’est l’une des premières choses qu’il m’a dite en entretien. »
"L’entreprise, je finis à 18h30 et je rentre chez moi à 20h, donc j’ai même plus le temps de voir mes copines et mon copain après le travail. Et pour l’école c’est encore pire."
En dehors des jours de travail en entreprise, c’est toujours la même galère au niveau des transports, son école étant située dans le 15ème arrondissement de Paris. Ce que regrette Léa c’est d’avoir pris et son alternance et son école à Paris. « L’entreprise, je finis à 18h30 et je rentre chez moi à 20h, donc j’ai même plus le temps de voir mes copines et mon copain après le travail. Et pour l’école c’est encore pire. Quand je fini à 19h30 je rentre chez moi à 21h00. » Et, contrairement aux salariés qui, une fois sortis du travail, ne travaillent plus, les alternants, eux, doivent encore gérer leurs devoirs en fin de journée. « Le plus dur, c’est quand j’ai des contrôles ou des oraux la semaine d’après, explique l’étudiante, quand il faut que je révise avec un groupe de travail, qu’il faut trouver un moment commun où tout le monde peut réviser nos projets. »
Le statut d’alternante a encore quelques autres désavantages. Léa ayant vite remarqué que beaucoup de ses collègues faisaient du télétravail, elle pensait pouvoir elle aussi en bénéficier. Mais elle apprend que son patron le lui interdit parce qu’elle est en alternance. Certains autres membres de sa classe y ont pourtant accès dans leurs entreprises respectives. Elle, qui se considère « automne dans mon travail » et capable de rendre son travail « toujours en temps et en heure » n’y a pas droit, alors, regrette-t-elle, que « le télétravail m’aurait permis d’éviter quelques jours de transport et de me reposer un peu plus le matin. »
Pourtant, Léa a été malade à plusieurs reprises depuis ce début d’année scolaire. « J’ai eu la mononucléose, qui m’a fatiguée beaucoup. Ça ne m’a vraiment pas aidée, et avec le COVID, j’ai souvent peur de prendre les transports, dès que je commence à tousser, j’ai peur d’être positive. » Résultat, « le week-end j’suis hyper fatiguée assure-t-elle. J’essaie de me reposer pour pouvoir reprendre la semaine. Alors maintenant je préfère faire des soirées posées que de sortir au restau ou en boite. »
"Mes copines m’avaient prévu que ça allait être compliqué, mais je voulais quand même tester. Je ne pensais pas que ça allait être aussi dur"
Ce nouveau rythme impacte ainsi sa vie sociale, ses relations avec son copain notamment, qui heureusement « s’est vite habitué à mon nouveau rythme, et qui lui aussi préfère rester poser à la maison, regarder un bon film et commander MacDo. C’est devenu notre routine du samedi soir » admet Léa, un brin philosophe.
C’est un peu plus compliqué avec ses copines, qui « préfèrent sortir le week-end ou aller au restau dans la semaine, le soir. Mais moi c’est impossible ! A 22h00 j’suis déjà en train de bâiller », confie la jeune adulte en rigolant et s’asseyant sur son lit pour être plus à l’aise. Elle consacre pourtant son vendredi soir à ses copines, souvent autour d’une table d’un de ces restaurants ou pour une sortie au cinéma. C’est un moment privilégié pendant lequel elle peut discuter de sa semaine et se plaindre de son travail autant qu’elle le veut. « Mes copines m’avaient prévenue que ça allait être compliqué, mais je voulais quand même tester. Je ne pensais pas que ça allait être aussi dur », admet-elle, quelque peu dépitée.
Ces quelques mois de transports ont été néanmoins pour elle l’occasion de se faire une opinion définitive quant à ses priorités en matière de vie professionnelle : « L’année prochaine je vais me rapprocher de chez moi, assure-t-elle, je ne tiendrai pas encore à ce rythme deux ans pour le master » qu’elle souhaite entreprendre après l’obtention de sa licence en fin d’année. « Je ne travaillerai jamais loin de chez moi plus tard, affirme-t-elle. J’ai vite compris la qualité de vie que l’on peut avoir en travaillant près de chez soi. »
Natacha Nedjam