L’alternance comme mode d’apprentissage du monde compliqué du travail


Layna*, 20 ans, effectue sa troisième année d’études supérieures en alternance, après une première expérience douloureuse du monde du travail.

 

« Je pensais que l’alternance était le meilleur des choix à la sortie de mon bac, mais ça a vite viré au cauchemar » se remémore Layna, 20 ans, étudiant à l’IUT de Rambouillet en licence de management. Après l’obtention de son baccalauréat STMG avec une spécialité RH, cette habitante de Bois d’Arcy, dans les Yvelines, décide de continuer ses études supérieures en faisant un DUT, de deux ans, en alternance. « J’étais très contente de pouvoir commencer, j’en avais marre de faire toujours de la théorie, j’avais besoin de concret. » Mais, évidemment, on n’est pas en Allemagne, pas facile à trouver une entreprise acceptant de la former. En plus, il a fallu allier les recherches d’alternance et les révisions du bac. « Je n’ai bénéficié d’aucune aide particulière de mon école pour trouver mon alternance, je me suis débrouillée toute seule », regrette-t-elle, a posteriori. Elle décide de s’inscrire sur les sites de recherche d’emplois comme Indeed, Welcome to the jungle ou LinkedIn, mais elle se rend rapidement compte que « les employeurs préfèrent prendre des étudiants qui ont déjà des expériences professionnelles, comme des troisième année en licences ou des Master, car ils sont opérationnels beaucoup plus vite que nous », confie la jeune étudiante un peu désabusée.

"Après plusieurs mois passés au sein de l’entreprise, je ne me sentais toujours pas intégrée à l’équipe"

Leyna finit tout de même par décrocher un entretien près de chez elle, après 3 mois de recherche sur les sites à envoyer CV et lettres de motivation sur les sites de recherche d’emploi, pour une grosse entreprise de BTP et un poste d’assistante comptable et de relation clients. « J’avais déjà fait de la compta en première et j’aimais beaucoup cette matière alors je me suis dit que ça pouvait être intéressant. », se remémore-t-elle.

Un tout nouveaux rythme vient de débuter pour la toute nouvelle alternante, une semaine d’entreprise et une semaine d’école. Pourtant, assez rapidement, elle se rend compte que les choses ne se déroulent pas comme prévu « Après plusieurs mois passés au sein de l’entreprise, je ne me sentais toujours pas intégrée à l’équipe », et les missions qu’on lui donne ne correspondent pas du tout à ce à quoi elle s’attendait. Relances téléphoniques des clients qui n’avaient pas payé, saisies bancaires, mises à jour de tableaux Excel pour ses collègues et sa tutrice. « Ça me prenait 1h dans la journée du lundi et je passais la grande partie du reste de ma semaine à rien faire » raconte-t-elle dépitée par ce souvenir. Pour passer le temps, elle se trouve des occupations discrètes « Je passais mon temps sur l’ordinateur ou sur mon téléphone à écouter de la musique ». Ou bien elle révisait ses cours. « Y’a que comme ça que j’arrivais à passer le temps. Les journées étaient vraiment super longues, je comptais les secondes », se souvient-elle.

Sur les conseils du responsable de l’alternance de son école, elle décide d’en parler à sa tutrice, en vue de lui demander de nouvelles missions. La semaine qui suit leur discussion, de nouvelles missions lui sont bien confiées, « mais elles n’étaient en aucun cas utiles à mon cursus scolaire ». Elle se retrouve à faire le tri d’archives, à plastifier des documents pour les employés, « ce que personne ne voulait faire », conclut-elle. L’étudiante qui se sent délaissée et inutile, sentant que son travail « n’apportait rien à mes collègues et que mon poste n’était d’aucune utilité » commence à déprimer.

"Je savais qu’il fallait que j’arrête, je savais que c’était la dernière fois que je me rendais là-bas. J’ai dû faire un abandon de poste au mois d’aout, après un énième conflit avec elle"

Dans ces conditions son entente avec certains de ses collègues au sein de l’entreprise, souvent d’une autre génération que la sienne, n’a fait que se dégrader. « J’avais beau essayer de parler à tout le monde, j’étais en fantôme. Encore plus auprès de ma tutrice qui n’était jamais disponible pour moi. Les seuls moments où elle venait me parler c’était pour me rabaisser et critiquer le peu de missions qu’elle me confiait », confie-t-elle en remettant nerveusement la mèche de ses cheveux bruns derrière l’oreille.

Au fil des mois, la pression psychologique monte puis devient intenable pour l’adolescente. La deuxième année se finit mal : « Je savais qu’il fallait que j’arrête, je savais que c’était la dernière fois que je me rendais là-bas. J’ai dû faire un abandon de poste au mois d’aout, après un énième conflit avec elle où je me suis retrouvée pour la dixième fois en pleurs chez moi. » Heureusement, ses professeurs l’ont soutenue dans cette épreuve qu’est l’abandon de poste, au vu de la situation qui perdurait depuis 2 ans. Mais même plusieurs mois après cette dernière altercation, Leyna ne se sent pas capable d’aller récupérer ses affaires et de dire au revoir au peu de collègues avec qui elle a pu échanger. Elle en tire alors une conclusion pessimiste sur le monde du travail « Ca a été un vrai choc pour moi ! Je ne voulais pas continuer l’alternance ! s’exclame-t-elle en repensant à cet épisode. Elle en tire une conclusion qui montre que cette expérience l’a fait grandir : « Je pense que j’avais vraiment idéalisé le monde du travail et j’ai vraiment été choqué par la réalité » analyse-t-elle.

Suite à l’obtention de son DUT, Leyna prend la décision de poursuivre ses études supérieures en licence professionnelle de management, avec un rythme de 2 jours d’école et 3 jours d’entreprise. Contrairement à de nombreux autres étudiants, hors de question pour elle de continuer une troisième année au sein de la même entreprise pour effectuer son alternance, évidemment. Elle procède de la même manière que pour sa première recherche, l’expérience en plus en s’aidant des mêmes sites de recherche. Après plusieurs mois et plusieurs entretiens n’ayant pas abouti, elle se dit « fière » d’avoir décroché un entretien téléphonique chez Total Énergie, « une grande entreprise » pour un poste d’assistante manager, « mais j’avais toujours cette appréhension de tomber sur quelqu’un de pas pédagogique qui ne souhaitait pas m’apprendre son métier », relate-t-elle.

"Je me suis mise à fond directement et j’ai tout fait pour m’entendre avec ma tutrice"

Cela fait maintenant plus de deux mois que Leyna est arrivée dans l’entreprise située dans le quartier des affaires de la Défense. « L’équipe m’a très bien intégrée. J’étais prête à tout pour faire en sorte que cette alternance se passe bien », raconte-t-elle dans un grand sourire. Entre l’organisation des événements de cohésion de l’équipe, comme les pots entre collègues ou les soirées à thèmes, l’accueil des nouveaux collaborateurs, la préparation de voyage pour ses collègues, la gestion des commandes des fournisseurs, l’étudiante se ravit de n’avoir « jamais été aussi débordée que maintenant. Ma tutrice me confie plein de missions, essaye au maximum de me rendre autonome. Je n’ai même pas le temps de regarder l’heure sur mon téléphone ! »

Leyna à l’impression de redécouvrir le monde du travail et de retrouver confiance en elle. L’étudiante, comme tant d’autres, avait besoin d’un environnement stable, fait de confiance et d’adaptation en ses capacités du moment, ainsi que de la reconnaissance par son manager de la qualité de son travail. « Ma tutrice me dit toujours que si je n’ai pas fini le travail à faire cette semaine, je le ferai la semaine prochaine. Et elle se rend disponibles pour moi quand je lui demande »

Leyna se rend compte aussi qu’il est essentiel pour elle de faire aussi de gros efforts si elle veut que les choses se passent bien. « Je me suis mise à fond directement et j’ai tout fait pour m’entendre avec ma tutrice », explique-t-elle. Dans ce contexte favorable, elle profite pour la toute première fois des bénéfices de l’alternance, d’avancer à son rythme, dans un climat de confiance, sans pression. « Maintenant je me rends au travail avec le sourire le matin, et ça, ça m’avait vraiment manqué. »

 

Natacha Nedjam

 

*Le prénom a été modifié

 


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