Trappes est une ville étrange. En effet, elle ne correspond guère à la description qui est en faite à la télé. Car une cité, une banlieue, un ghetto, quand c’est poli, ça doit prendre la forme d’une ribambelle exclusive de barres et de tours. Exclusive dans la mesure où elle ne laisse rien d’autre exister. Pas de petits écureuils qui courent sur les branches, pas de coccinelles qui s’attachent au bas de votre longue manche, pas de pavillons, qu’on réserve aux gens biens, pas dangereux, sérieux en un mot. Et pourtant, car Trappes n’est pas polie (et ça la télé le dit bien), elle nous perd dans un labyrinthe de zones pavillonnaires. Des pavillons à perte de vue, de la mesquinerie petite bourgeoise répliquée des dizaines, des centaines de fois. Les voitures garées devant ces grandes portes de garage sans charme, le gris blanchâtre des crépis qui assombrissent la vie, une quantité de fantômes étriqués tout occupés à garder leur propriété. On se croirait dans un village banal, et pourtant on est à Trappes. Tout se perd, tout fout le camp. Le malaise prend corps dés l’arrivée, sur la N10 en venant de Paris. Quelques maisons font leur apparition sur la gauche, en face de la base de loisirs. De petites entreprises cachent ce qui ne saurait être montré. Et pourtant, sur la droite, en avançant encore, on aperçoit le clocher d’une église, et des maisons, des maisons, des maisons, un vrai village gaulois. On ne sait plus où on est. On n’est plus chez nous. Et puis, miracle, on reprend confiance, un bout d’immeuble nous fait coucou, puis disparaît, pour laisser place à une sorte de cité-jardin. Des pavillons. Encore. Face au malaise grandissant, car manifestement la télé aurait tort, on entre au coeur de la ville nouvelle, par la plaine de Neauphle. Mais attention, il faut prendre garde à ne pas se perdre. Aller à gauche, c’est se retrouver dans la Boissière, vaste zone urbaine sans HLM, zone de maisons répliquées. C’est à désespérer de Trappes. On se croirait à quelques kilomètres de là, dans une ville sans histoire. La banlieue pour classe moyenne de Toulouse doit ressembler à ça. Mais le connaisseur ne prend pas la mauvaise route. Il se dirige rapidement vers le quartier des Merisiers. Il y voit des barres, ces constructions géniales des années 60 et 70, sorties de terre à coups de grues. Il s’y retrouve. Télé ne saurait mentir. Alors tout est un peu trop calme, trop normal, banal en somme. Mais ça rassure et ça calme. Reste qu’il aurait fallu rester là. Il n’aurait pas fallu prendre la route loin de ces chemins de grue. Car on les croise, sans cesse, rue Picasso, ces maisons individuelles, boulevard Allende, ces pavillons, qui nous font croire que ces habitants sont comme les autres, que leur famille appartiennent à la classe moyenne, que leurs enfants s’en sortent à l’école, qu’on en retrouve à l’université à faire leurs classes supérieures. C’est désespérant. Ils sont comme nous, certains. Je suis sûr qu’ils ressentent les mêmes choses que nous. Que ma médiocrité est la leur, que mes espoirs sont partagés. Et moi qui croyait en la télé, moi qui voulait y croire. Où trouver donc cet autre qui ne me ressemble pas ? La télé, dis le moi.
Trappes, zone pavillonnaire
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