Trappes à la menthe

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(*)Les noms des personnes sont des pseudonymes

Tous les mercredis après-midi, les vendredis et les samedis matins, Trappes connaît une forte mobilisation de Trappistes, place des Merisiers, mais aussi d’autres visiteurs yvelinois et franciliens…Une clientèle fidèle au marché de Trappes, issue de tous les milieux. Des gens d’une grande diversité viennent pour acheter des légumes, des fruits, des poissons frais et surtout pour piocher les quelques derniers articles liquidés à un euro ou deux…

bref, je ne dirai pas que c’est un bon marché puisque je suis du coin, mais je laisse plutôt la parole aux visiteurs fugitifs qui font le tour des stands, parce qu’on est censé y faire ses courses moins chers qu’ailleurs, en cachette parfois.

Mise en colère d’entendre des gens dénigrer Trappes et ses habitants à la moindre occasion, je veux juste dénoncer toutes ces personnes disant qu’il n’y a rien à Trappes et refusant d’y habiter sous prétexte qu’il y a trop d’Arabes et de Noirs, tout en profitant pour y faire quelques économies…

« Des fantômes croisés au passage »

Parmi ces visiteurs fugitifs, il y a une jeune femme qui habite dans un coin des Yvelines. Souvent, Lynda* considère Trappes comme un ghetto de races inférieures qu’elle ne s’oblige à fréquenter qu’au moment des visites familiales… Bref, un jour, je l’aperçois de loin en train de faire le tour du marché en précipitant ses pas, tout en s’arrêtant néanmoins finalement à un stand de lingerie d’une très bonne marque liquidée à 2 euro la pièce. Sans exagération, j’avoue que j’étais très méchante en faisant de mon mieux pour qu’on se croise incidemment. La pauvre, en me voyant, cache avec peine sa gêne… Après avoir accompli le protocole des salutations inutiles à mon sens, la dame commence une longue tirade de justifications spontanées : « j’étais de passage pour aller chez ma belle-sœur ? Du coup, je n’ai pas trouvé de place pour garer ma voiture, ce qui m’a obligé à traverser là où il y a les stands…car comme tu le sais déjà, je ne supporte jamais de fréquenter un endroit pareil ». Sauf qu’un tel endroit peut très bien remplir ton cabas…

« …tu l’achètes où ta menthe ? »

Faire le marché demeure toujours une invitation au voyage, un lieu de convivialité et d’échanges. Par ailleurs, ce n’est guère un crime si quelqu’un est pris par le désir de fréquenter un autre marché que celui de sa ville, mais la faute réside dans ces critiques gratuites qui se déclenchent comme une fuite de gaz difficile à gérer. Je me rappelle par ailleurs, il y a peu de temps, d’une connaissance me racontant une anecdote qui m’a incitée à écrire ce billet : Deux frères trappistes de naissance discutent de Trappes en la comparant avec une ville avoisinante (Montigny-le-bretonneux), Mourad qui se prend pour un Ignymontain plus ou moins bourgeois réplique : « en fait, j’aime bien là-bas parce que c’est tranquille et plutôt calme. Il y a une certaine mixité certes, mais pas trop flagrante comme celle de Trappes, où tout le monde te connaît et te suit avec un mauvais œil…bref, j’aime bien son aspect de ville moderne et chic… », son frère Saïd le laisse bien absorber sa vanité et l’interroge froidement : « tout ça c’est bien, mais du coup, tu l’as acheté où ta menthe ? (en désignant avec son doigt le sac de Mourad)»…

A ce propos, il faut voir les portraits des personnes qui fréquentent le marché…Des dames qui s’imaginent appartenir à la grande bourgeoisie parisienne examinent ces bouquets de menthe en négociant les prix. L’une d’entre elles se plaint : « 40 centimes pour ce petit bouquet ! je vois là bas un autre marchand qui la fait à 30 centimes seulement ». Et là, le pauvre marchand lui répond : « allez Madame, si vous voulez, je vous laisse les trois à un euro et ça vous évitera de vous déplacer dans la semaine ». Je rencontre cette même dame dans un goûter associatif à Guyancourt en train de parler à un groupe de femmes disant : « oui, là bas, c’est chaud ! même si ça c’est bien amélioré et tout. J’ai peur d’y aller la nuit comme le jour, sauf si je suis bien accompagnée. Et d’ailleurs, ça fait un moment que je n’ai pas mis les pied à Trappes»…oh, mon Dieu !, quelle audace ! Heureusement, un vieux trappiste lui tapote amicalement l’épaule : « Pourtant, on se voit souvent au marché de Trappes chez le poissonnier »… Je vous laisse imaginer la réaction de cette dame !

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Infos de l'auteur

Fascinée par les belles lettres, égarée dans les rimes et amoureuse de Trappes, j'adore l'écriture en générale et la poésie en particulier. Master II littérature générale et comparée. Prix de poésie pour la francophonie en 2010 et prix Halaly de poésie en 2015.