Le trajet domicile-fac, récit d’une galère quotidienne

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Des étudiants de l’agglomération de Saint-Quentin en Yvelines se dirigent tous les jours vers Paris. Ils jonglent entre bus, train et métros du matin au soir pour rejoindre la capitale. Ils ne sont pas les seuls : 45 % des étudiants résidant en grande couronne prennent plus d’une heure pour se rendre en cours, selon un rapport de l’Institut d’aménagement et d’urbanisme publié en octobre. Retour sur nos galères quotidiennes et leurs portées symboliques.

Trappes, 6H40 du matin, je presse le pas pour ne pas rater le bus. Le soleil n’est pas encore au rendez-vous, mais les lève-tôt eux répondent présents à l’appel. Je retrouve à bord les mêmes visages familiers. La plupart abordent la parfaite panoplie du cadre dynamique de La Défense. Tout y est : costumes, cravates et mallettes à la main. Je m’assois à l’arrière du bus, au milieu des étudiants encore à moitié endormis. Les plus braves d’entre nous profitent du trajet pour réviser leurs notes de la veille. Philosophie, mathématiques, langues étrangères… Le bus 418 se transforme parfois en vraie bibliothèque universitaire. À l’arrivée à la gare de Trappes, tous se ruent sur le tableau d’affichage. Pour moi, c’est le soulagement : pas de retard prévu sur la ligne N pour Montparnasse. J’arriverai peut-être à l’heure en cours. Oui, peut-être. Mon trajet ne fait que commencer.

Le stress du train-train quotidien 

À la gare, les habitués du 418 se fondent dans la masse des voyageurs. On pourrait croire à un joyeux fouillis, mais il n’en est rien. Les frileux occupent la salle d’attente comme une usine en mai 68. Les autres se placent stratégiquement sur le quai en fonction de leurs destinations. Je me laisse alors emporter jusqu’au premier wagon par le flot des passagers pour Paris. C’est ce wagon qui sera ensuite le plus proche de l’entrée du métro. La manière d’attendre sur le quai est donc aussi bien réglée que le mécanisme d’une montre suisse. Montre qu’on regarde d’ailleurs constamment du coin de l’œil. Smartphones pour les plus jeunes ou montres à gousset pour les anciens, tous adoptent le même réflexe. « Dans les transports, tu regardes l’heure toutes les 3 minutes », me confie avec anxiété Julie, 20 ans, étudiante en licence de droit à Paris. « Si ton premier moyen de transport est en retard, tu sais que c’est foutu parce que ça décale tout ton trajet, tu seras jamais à l’heure », ajoute-t-elle d’un ton résigné. Pour beaucoup d’étudiants, la fatigue du trajet n’est rien comparée au stress qu’il engendre. Déviation, retards, travaux… il n’est jamais certain que tout se déroule parfaitement.

La ville de Trappes est desservie par les lignes U (La Verrière – La Défense) et N (Rambouillet – Montparnasse). Rien que sur ces deux lignes, ce sont pas moins de 366 trains qui circulent chaque jour d’après le site Transilien. « Ah ouais, quand même, ça fait beaucoup !», me dit Sonia qui peine à couvrir le bruit du train passant sur la voie d’à côté. L’étudiante à Nanterre conçoit bien qu’il puisse y avoir des retards même s’ils ne sont pas majoritaires. En octobre 2016, selon le magazine de la SNCF, le taux de ponctualité sur la ligne N était de 93,7% et celui de la ligne U atteignait 94,5%. Cependant, le stress est toujours présent.

Une traversée spatiale mais aussi symbolique 

Il y a aussi un aspect symbolique à réaliser un trajet Trappes-Paris. En 45 minutes de train, un nouveau monde s’offre à nous. C’est une traversée spatiale mais aussi sociale. Les journaux distribués gratuitement à la gare laissent progressivement place aux grands noms de la presse. Le « Direct Matin » lu dans le train se transforme une fois dans le métro en « Figaro » ou « Le Monde ». Difficile de se les procurer à la gare Trappes lorsqu’on part de chez soi à 6h du matin. Peu de vendeurs ouvrent avant 7h ou 8h.

Le paysage lui aussi est complétement différent. On passe de la rue Henry Barbusse de Trappes à son homonyme parisien situé dans le quartier de Montparnasse. On passe des grands ensembles construits dans les années 60 et 70 aux bâtiments vieux de plusieurs siècles. « Etudier à Paris, c’est totalement différent d’ici », indique Mohammed qui a réalisé cette année sa rentrée dans une faculté parisienne. « Rien que le bâtiment n’a rien à voir avec mon ancien établissement », dit-il en référence à notre université de proximité, l’Université Versailles Saint-Quentin. Cette différence, je l’ai moi aussi ressentie en entrant pour la première fois à la Sorbonne. Tous les jours, je la perçois encore un peu en m’asseyant dans l’amphithéâtre Lefebvre. Amphithéâtre « dans lequel Marie Curie donna son premier cours en 1906 » comme l’indique la plaque commémorative à son entrée. 20h, mon dernier cours de la journée se termine et je me dirige mécaniquement vers le métro. 1h20 plus tard, j’arrive à Trappes. Dans une gare que je connais maintenant comme ma poche.

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