Si ça ne passe pas entre toi et tes joueurs, ça ne marchera pas”

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Cyril est entraîneur au club sportif de Trappes depuis une dizaine d’années, il est en charge des catégories U10 et U19 et de l’accompagnement des jeunes qui jouent dans ces équipes. Retour d’expérience

Quel est ton parcours de footballeur ?

J’ai commencé à Trappes en poussin, puis j’ai joué à Versailles pendant 2 ans en cadet. Je suis retourné à Trappes où j’ai joué jusqu’en U19, puis je me suis arrêté au premier enfant que j’ai eu jeune, j’ai dû me mettre à travailler puis j’ai repris en senior quand j’avais le temps.

Comment es-tu devenu entraîneur ?

J’ai toujours aimé le foot, je rêvais de devenir professionnel. J’ai toujours voulu être dans ce milieu-là et je me suis rapproché d’Arnaud, le manager général du club et ami d’enfance. Quand j’étais joueur déjà j’aimais bien prendre en charge les entraînements, j’ai souvent été capitaine.

As-tu un autre métier à part éducateur de football ?

Depuis cette année je ne fais que du foot, avant je travaillais à la poste, au câble. C’était compliqué parce que je sortais du travail et je n’avais pas le temps de me reposer, j’enchaînais avec les entraînements et le dimanche on jouait. Difficile de se reposer après le match, le lendemain il fallait retourner au travail. C’est dur de cumuler le travail à l’extérieur et le foot, mais ça marche quand tu as la passion, si tu ne l’as pas, jamais tu pourras le faire.

Trappes est-il un bon club selon toi ?

Trappes est un bon club d’Ile-de-France qui a énormément évolué, à l’époque où je jouais les équipes en premières évoluaient en division régionale, mais c’était moins structuré. Aujourd’hui quand on se déplace dans différents clubs nous sommes reconnus tant avec les garçons qu’avec les filles. Nous avons plus d’une centaine de joueuses licenciées qui ont leur championnat. Mais on doit encore évoluer.

Quelles sont les qualités d’un éducateur ? As-tu des modèles ?

Tu dois forcément avoir des connaissances au niveau du foot, aussi bien tactiquement que techniquement. Mais aujourd’hui ce qui a bien changé ce sont les qualités relationnelles. Tu peux être le meilleur entraîneur au monde, si ça ne passe pas entre toi et tes joueurs, ça ne marchera pas. Tu dois construire une relation de confiance entre toi et les joueurs et c’est le plus dur. Cette relation-là elle se base aussi bien sur les séances d’entraînements que sur les matchs, mais aussi sur les convocations des joueurs, alors de temps en temps il y en a qui comprenne d’autres moins. Et puis toi-même en tant qu’entraîneur tu te trompes, tu peux faire de mauvais choix, prendre de mauvaises décisions…il faut savoir leur expliquer. Concernant les modèles, j’adore la façon de jouer de Manchester City et de Liverpool, j’adore la façon de jouer de Barcelone et de Dortmund. Si on pouvaient faire un mixte avec leurs coachs…

Es-tu satisfait des équipes que tu entraînes ?

Avec les U10 et les U19, le temps qu’ils assimilent ce que je voulais mettre en place à la première moitié de saison, nous avons eu un départ compliqué. Les U19 ont perdu 3 match et depuis ces 3 défaites, nous nous sommes repris et ça ressemble de plus en plus à ce que j’aimerais. Déjà je veux qu’on court sur un terrain, maintenant on court tout le match et les joueurs se donnent à 100 %.

Rêves tu encore d’évoluer dans une structure professionnelle ?

Ce rêve là est passé. Mais j’aimerais bien amener mes équipes au plus haut niveau de compétition. Si en U19 on accédait au niveau national, nous serions la fierté de Trappes et nous pourrions affronter des structures professionnelles là. Mais je suis bien là où je suis, après si demain le Real vient me cherche et me propose 100 000 E par mois j’y vais…

Quels sont tes meilleurs et pires souvenirs ?

Le pire c’était il y a 3 ans, quand nous avons joué à domicile contre Genevilliers, c’était un match important, le premier contre le deuxième. Genevilliers est monté et pas nous. A la fin du match, la pelouse a été envahie par les spectateurs qui s’en sont pris aux joueurs de Gennevilliers. C’était la catastrophe, c’était même plus du foot, ça reste un très mauvais souvenir. Les meilleurs souvenirs c’est plein de petites choses, il y a les entraînements qui se passent bien, le message d’un joueur qui prend de tes nouvelles quand tu es malade, un gamin que tu croises au supermarché et qui court pour me présenter à ces parents parce qu’il est fier, et puis il y a plein de bons souvenirs quand on joue.

Y‑t’il une différence entre le foot amateur que tu as connu et celui d’aujourd’hui ?

Le football a évolué. Même si les clubs sont amateurs ils fonctionnent de plus en plus dans leur contenu d’entraînement comme des clubs professionnels. Parce qu’un jeune avant de signer dans une structure professionnelle passe forcément par des clubs amateurs et les structures professionnelles ne prennent que les meilleurs, nous sommes obligés de nous adapter à cela.

Quel regard portes tu sur l’univers de la violence que l’on peut retrouver dans le foot amateur ?

Le monde amateur, de manière générale je dirais qu’il se porte bien par rapport au match que j’ai eu l’occasion de voir sur les différentes catégories. Je vois des clubs qui ont énormément de qualités avec des bons joueurs, dont beaucoup viennent des clubs amateurs d’Ile-de-France. C’est vrai qu’il y a des incidents dans le football amateur. Je pense qu’on a pas les mêmes moyens que le football professionnel, quand t’es éducateur d’une équipe amateur tu dois te débrouiller en début de saison pour trouver toi-même un dirigeant un arbitre assistant, un délégué… avoir une équipe autour de soi ce n’est pas évident pour tous les clubs. Il peut y avoir des débordements et il faut travailler dessus, mais je pense que c’est une histoire de moyens pour former les jeunes. Déjà il y a eu des efforts faits avec les 10 – 15 ans.

Quelles sont les solutions ?

A partir du moment où nous aurons plus de moyens humains on arrivera à s’en sortir. Mais le problème est humain, dans le monde de l’amateur il y a beaucoup de bénévolat. Quand tu es en charge d’une équipe tu dois mettre de côté ta famille. Par exemple pour les U19, j’ai passé 3 séances avec eux dans la semaine, plus le match le dimanche, à côté j’ai ma femme, ma fille, mes parents que je ne peux pas voir comme une personne qui est salariée dans le privé. Et pour les clubs c’est dur de trouver une personne qui accepte de se sacrifier un peu pour du foot et 0 euro.

Jusqu’où peut aller Trappes et que lui manque-t-il pour y arriver ?

Le club de Trappes devrait avoir toutes ses équipes une au meilleur niveau régional c’est à dire en R1 et les équipes 2 qui évoluent au niveau R3. Il faudrait peut être réussir à changer les mentalités des joueurs, éducateurs, dirigeants pour que l’on tende vers cela. Et puis si nous 1 ou 2 terrains supplémentaires ça serait mieux, parce que pour l’instant aucune équipe ne peut travailler sur un terrain complet et c’est problématique.

Et pour finir, le rituel du club : un dicton ?

« Ne s’entraîne que celui qui joue ». Le foot doit rester un plaisir avant toutes choses, il y a pleins de consignes à respecter mais à la base le foot est un jeu et doit rester un plaisir tout simplement.

Propos recueillis par Mohamed Lamine Samb

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