À deux semaines des partiels de fin d’année, les étudiants de Saint-Quentin-en-Yvelines s’organisent.
Démarche assurée et chignon blond, Paula se dirige vers la bibliothèque universitaire, qui trône non loin d’un parc. Sur le site de la faculté de sciences humaines de Saint-Quentin en Yvelines, ce n’est pas l’espace qui manque. Face aux bâtiments d’un autre temps, les rires et les discussions s’emmêlent. Là, une petite rivière avec son lot de poissons. Un peu plus, loin un lac qui regorge de crapauds et des tables en bois.
À moins de dix minutes à pied de cette carte postale bucolique se dresse, impériale, la gare de Saint-Quentin. Celle qui relie la faculté au reste de la région d’Île-de-France. Mais depuis le début de la grève perlée des agents de la SNCF, cette liaison fonctionne au ralenti.
« Je venais en cours en transports en commun jusqu’à fin mars, raconte Paula, 19 ans, mais, juste avant les grèves, j’ai passé mon permis. Depuis, je ne viens ici qu’en voiture ». Cette étudiante en seconde année de sociologie habite à Maurepas, une petite commune de 18.000 habitants non loin de Trappes. « Quand j’ai vu comment les employés de la SCNF allaient s’organiser pour la grève, j’ai cherché à acheter une voiture. Et il s’avère que la sœur de mon grand-père en avait une à vendre ». Depuis, Paula met 120 euros d’essence par mois dans sa vieille 206 et se lève un peu plus tôt pour se rendre en cours : « les routes sont surchargées ».
Un œil sur le lac, les mains sur son sac, cette ancienne habitante de Trappes raconte les enseignants qui ne regardent plus les retards le matin, qui libèrent les étudiants plus tôt le soir ou qui se retrouvent eux-mêmes immobilisés dans les transports. « Une de nos enseignantes est restée coincée quatre heures un jour de grève. Résultat, tous ses cours de la matinée ont été annulés et nous on l’a eue 15 minutes à peine sur une heure. On devait finir à 18h, mais elle avait peur de se retrouver encore coincée, elle a donc raccourci le cours ».
Un aménagement bienvenu pour Théo, 19 ans, son camarade de classe. Lui habite dans un petit village non loin de Rambouillet, Gazeran. Et depuis le début de la grève perlée, « [son]trajet est plus long de vingt minutes, quand tout va bien ». Avant, un train faisait la liaison entre les deux communes. Mais ce n’est plus le cas. Résultat, il se rend en voiture jusqu’à Rambouillet avant de prendre une correspondance pour Saint-Quentin. Mais certaines fois, les jours de grèves, les RER sont annulés. Pas de trains : pas de cours. Alors pour les partiels : « je connais un ami dont la grand-mère possède un petit appartement à Rambouillet, il négocie en ce moment pour que l’on puisse y dormir ». Et pour les transports, ça sera en voiture. 80 kilomètres aller-retour. « Financièrement aussi il va falloir s’organiser. »
Lunettes de soleil sur le nez et gilet fluo sur le dos, Pierre*, employé en grève de la SNCF des Yvelines, reconnaît que les conditions pour les usagers peuvent être compliquées. « L’idée de cette grève c’est de pouvoir permettre aux utilisateurs des transports de s’organiser, tout en faisant valoir nos droits. » Un argument qu’entendent Paula et Théo qui disent réfléchir à rejoindre le cortège du jeudi 19 avril.
Le soleil tape fort en ce mardi d’avril. À l’intérieur des locaux, les grandes vitres laissent entrer la chaleur. La lumière printanière s’amuse, elle, avec les constructions angulaires du lieu. Et les rares étudiantes présentes cherchent des coins d’ombre.
Le regard fuyant, la voix timide, Keera, 22 ans, est plongée dans ses cours. Étudiante en lettres modernes, première année de licence, les partiels qui approchent l’angoisse. Pour des raisons financières, elle ne rejoint la faculté qu’en transports en commun et dit ne pas comprendre les raisons de cette mobilisation des employés de la SCNF. Cette habitante de Sèvres raconte qu’elle passe une grande partie de ses journées entre les gares et les trains. « Je travaille, je passe le temps, je dors ». Et avec les grèves, il lui arrive d’attendre plusieurs heures avant d’avoir une correspondance. Alors pour les partiels : « je me lèverai plus tôt le matin, et me coucherai plus tard le soir, quitte à prendre le premier train de la journée ».
Une situation épuisante pour les étudiants, dont Thierry Camus, directeur général des services (DGS) dit avoir conscience. « On a demandé à certains enseignants de changer les dates des partiels pour éviter de pénaliser ceux qui viennent de loin. » Lunettes et costume gris, cet homme de 45 ans souligne que les parkings des enseignants seront aussi ouverts aux étudiants et en cas de retard « ça sera au cas par cas ».
Il n’est pas encore 17h et certains étudiants commencent à courir pour rejoindre la gare RER. Un train pour Paris est annoncé dans trois minutes. Le ballet des bips et des pas pressés commence. La sonnette retentit, les portes se ferment. Installées à l’étage, deux étudiantes de seconde année de licence discutent. Des partiels à venir, des manifestations étudiantes, de la soirée de vendredi. « Suite à un choc sur le train, nous allons être immobilisés un moment », lance le conducteur dans les haut-parleurs. Les protestations des usagers emplissent l’air.
Gilet orange et téléphone vissé à l’oreille, l’agent SNCF descend sur les rails et commence à inspecter les roues. Vingt-cinq minutes plus tard, le train redémarre. « Même sans les grèves, c’est compliqué de venir ici puis de partir », lâche une des deux étudiantes, le sourire aux lèvres.
Elodie Hervé
*prénom modifié