“On peut facilement devenir riche au Mali par le commerce ou la culture.”
C’est bien de mon père qu’il s’agit. Non, il ne fait pas de la Trap (style musical hardcore utilisé dans le rap des quartiers). C’est le type de “darons” africains qui en ont marre de la France et rêvent de faire fortune au pays.
Moi (le garcon le plus âgé de la famille), j’ai rendez-vous avec mon père à l’aéroport Charles De Gaulle à 8h du matin. Mon père est passionné par le Mali alors le retour à la maison se transforme en cours magistral sur le Business au Mali. “J’ai réussi à vendre la Mercedes”. C’est la première phrase qu’il assène dans la voiture. Il est fier de son gros coup. La fameuse Mercedes est une voiture achetée sur « le bon coin » en France et qui servira de Taxi pour ses nouveaux acquéreurs au Mali.
“Aujourd’hui il y a trois trucs qui marchent au Mali, vendre des voitures, l’élevage de poulet et la pisciculture”
Il raconte son voyage avec détails et encore une fois en insistant sur le business comme s’il voulait que je rentre dans le “game” : “j’ai planté des arbres, nettoyé la maison, installé une clôture, fabriqué des briques. J’ai été à Segou et à Oussoubidiagna”. On se parle en français. Je ne maîtrise pas suffisamment bien mon dialecte.
“Mon voyage s’est très bien déroulé, j’ai recueilli beaucoup d’informations sur comment s’installer définitivement. Désormais j’ai plein d’idée de business.”
Je ne réponds pas à ce qui semble être un appel de phare, car ma vie est en France, même si je rêve moi aussi de devenir chef d’entreprise. Il va quand même tempérer son ardeur en m’expliquant que le seul souci au Mali, c’est la santé. Il n’y a pas de sécurité sociale. Si on tombe malade tout est à nos frais y compris les médicaments. C’est les States avant Obama. Mais il pense que pour quelqu’un qui vient d’Europe c’est tout à fait jouable. Y’a moyen de s’en sortir.
“La retraite ça se prépare maintenant”.
C’est ce qu’il me dit. Dans 4 ans il y est enfin, à la retraite. Chaque matin il se lève pour vider les poubelles en France depuis 1996. Retournons un peu en arrière.
Mon père est né en 1959 dans un village nommé Oussoubidiagna, il est de l’ethnie des “khasonkes” dans le sud du Mali. Il quitte le village en 1980 pour la métropole sans trop savoir pourquoi et sans aucune perspective, contrairement à la majorité des jeunes africains qui rêvent de Paname et de ses lumières : ” je ne voulais pas venir en France, je voulais continuer mes études”. Son père est mort alors qu’il n’avait que 11 ans. Son oncle finit par financer son voyage. Il recrute des trafiquants dont le métier est d’obtenir des visas touriste. C’est un business lucratif. Ils finissent par lui obtenir un visa touriste commerçant. Tout cela pour soutenir la famille au pays par le biais de transfert d’argent régulier.
” je me souviens j’avais 1 millions de CFA dans la poche l’équivalent de 1500 euros pour faire semblant que j’étais un touriste”
En France il commence par faire de l’intérim dans le bâtiment, mais un accident lui tombe dessus rapidement. Il se casse le tibia. Il va devoir se reconvertir. C’est à partir de 1996 qu’il trouve enfin sa voie et devient chauffeur de camion poubelle. Depuis il a fait rentrer un bon nombre de ses compatriotes dans l’entreprise devenue presque familiale.
Mon père je le ressens, en a marre de la France. Il se plaint constamment de son travail. Rester 8h par jour, 5 fois par jour au volant du camion commence à l’ennuyer sérieusement. Une personne bien intégrée en France aurait peut être commencée un plan de formation, mais lui ne se prend pas la tête . Paradoxalement heureux de travailler il veut juste nourrir sa famille, envoyer de l’argent au bled et construire sa maison.
” En France on ne peut pas gagner beaucoup d’argent. Il y a trop de taxes, et encore plus si tu en gagnes beaucoup”. Aujourd’hui le rêve africain, c’est retour aux pays natal, et transformation en “SELF made Man Malien”
” j’ai un champ et je veux élever des animaux pour être indépendant”
Mon père passe la journée au téléphone grâce à Lébara mobile à communiquer avec le Mali. Il me fait déjà penser à un homme d’affaire. Mon père va-t-il devenir la relève de Mansa Moussa le fameux roi malien, dont on dit qu’il fut l’homme le plus riche du monde à son époque.