La musique baroque en rassembleur

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Le jeudi 10 novembre, des responsables associatifs et municipaux de Trappes ont été invités à une visite guidée au château de Versailles sur le thème de l’« éducation musicale des princes », suivie d’un concert de musique baroque à la Chapelle Royale.
Dans la cour du château de Versailles en ce jeudi 10 novembre, un groupe d’acteurs associatifs et institutionnels de Trappes se réunissent sous la pluie battante, au pied de l’aile Nord du château. Nono de Déclic Théâtre, Jean des Black Blanc Beur, accompagnés d’Etienne Guichard du Théâtre du Sable, se saluent chaleureusement à l’écart de la foule grouillante des touristes. Ils ont rendez-vous pour une visite “L’éducation musicale des princes”, organisée dans le cadre du projet de pédagogie sociale “Générations Lully” initié par la préfecture avec le centre de musique baroque de Versailles (CMBV) de Versailles. Dix minutes plus tard, Cécile Rault, chef de projet au CMBV vient les chercher, “Bonjour, nous vous attendons à l’intérieur ! La visite va commencer”. Arrivés à l’intérieur de l’aile Nord du château de Versailles, dite « des Ministres », ils saluent rapidement d’autres acteurs de Trappes qu’ils retrouvent. Puis ressortent aussi sec dans la cour humide du château pour le début de la visite menée par une guide conférencière.

Rassembler autour de quelque chose de fort

Le but de cette visite est de sensibiliser certains acteurs locaux de Trappes à la musique baroque dans le cadre du projet « Générations Lully ». Ce projet, porté par la préfecture des Yvelines, a pour ambition de favoriser l’accès à la culture classique des habitants des zones de sécurité prioritaire. La sensibilisation des Trappistes à la musique baroque est la première étape d’un processus qui va durer 2 ans et durant lequel près de 800 personnes doivent être impliquées. « Tout le monde peut être intéressé par le baroque. Il n’y a qu’à voir l’engouement provoqué par le film Tous les matins du monde. » explique Mme Kihal-Flegeau, sous-préfète des Yvelines déléguée à la ville.

Une fois quittée la cour du château, le groupe est mené sur le chemin de l’opéra royal. Sur le chemin de l’opéra, on passe devant la chapelle royale où aura lieu dans la soirée le concert auquel chacun est invité. Des voix d’anges s’échappent des portes grandes ouvertes. La répétition générale du concert est déjà un spectacle sous les yeux et les caméras des touristes fascinés. Tout semble parfaitement baroque et délicieusement vieillot sous les dorures éblouissantes des boiseries. C’est justement ce qui intéresse Etienne Guichard : “Ce projet permet que les gens se retrouvent autour de quelque chose de fort (le château de Versailles) pour une mise en action ensemble.”

Des acteurs trappistes en observation

Une fois assis sagement dans le splendide opéra Louis XV du château, chacun écoute poliment la guide-conférencière. De sa voix calme et posée, assez théâtrale et par la modulation de son ton, elle tente de capter l’auditoire. C’est que les invités de la journée, venus en observateur pour prendre une première connaissance du projet, sont les représentants d’un jeune public qu’ils auront pour tâche d’attirer à la musique baroque. Le challenge, qui consiste à toucher un public qui n’a pas l’habitude de ce genre de cérémonie préoccupe les esprits. La guide se fend d’ailleurs d’un : « N’hésitez pas à nous donner des indications sur la manière d’intéresser les personnes que vous suivez » dès le début de la visite. Les associatifs et autres acteurs de la ville, interloqués face à l’immensité de la tâche, restent muets.

Néanmoins, la guide, qui semble avoir un temps d’avance dans la réflexion sur le projet, interrompt les explications historiques sur l’opéra royal pour proposer plusieurs pistes de réflexions en vue de séduire les Trappistes qui participeront aux futures visites. Faudra-t-il souligner le fait que les « jeunes gens » qui chantaient dans le chœur venaient de la province, parfois de familles pauvres, et étaient éduqués par les prêtres de Saint Vincent de Paul ? Pour ceux des Trappistes qui jouent d’un instrument de musique, faut-il leur faire découvrir des instruments qu’ils ne connaissent pas comme le clavecin et la viole de gambe ? Faut-il parler d’acoustique ? S’ils sont plutôt intéressés par l’histoire de France, les guides doivent-ils utiliser des gravures pour illustrer les évolutions du château ? Les questions restent ouvertes.

Un projet à adapter

La visite se poursuit à travers la chambre du roi, quelques pièces bondées de touristes, et enfin la galerie des glaces. Il est temps alors d’aller vers la chapelle royale pour le concert qui clôturera la journée. Les acteurs sont pensifs. Les pistes proposées ne semblent pas vraiment aider « Nono » de Déclic Théâtre dans sa réflexion. « On est déjà très sollicités, admet-il, c’est une vraie contrainte pour nous » L’air perplexe, il ne sait pas encore comment il va pouvoir s’approprier ce qui est lui est proposé “On a déjà travaillé sur une formule express 3 jours pendant lesquels les jeunes découvrent un auteur, et reprennent une trame narrative d’une de ses pièces comme fil conducteur d’improvisations théâtrales. On verra ce qu’on peut faire et comment on peut le faire”. Chaque partenaire du CMBV a sa petite idée sur ce qu’il faudrait adapter pour séduire leur jeune public.

Selon un des animateurs périscolaires présents, la clé du succès est de s’adapter aux exigences des enfants “Nous pouvons faire de la sensibilisation en amont pour immerger les enfants dans cet univers. Mais si les guide-conférenciers font toute la visite d’un trait, sans être à l’écoute des enfants, ils vont sans doute rapidement perdre l’attention d’un grand nombre. Il faut s’adapter à leur intérêt. Si par exemple, les enfants s’arrêtent devant une statue, il faut parler de la statue ”.

Sophie et Stéphane, de la mission locale de Trappes, souhaitent eux aussi tirer profit de ces ressources nouvelles « On va pouvoir présenter tout ça dans le cadre du parcours culturel qu’on a mis en place à la mission locale. Ça permettra aussi d’en faire bénéficier ceux qu’on accompagnera dans le cadre de la nouvelle “garantie jeunes”. Ce projet ne va toucher qu’une petite partie des personnes que nous suivons, mais cela va être une superbe expérience pour ceux qui y participeront »
En fin de journée, lors du concert dans la chapelle royale donné par le Centre de musique baroque et le Conservatoire de Versailles, les chants religieux font la part belle aux canons. Les paroles, en latin, sont alors difficilement distinctes, donnant parfois une impression de confusion typiquement baroque. Profusion et confusion baroques à l’image de celles qui finalement se retrouvent dans les réflexions de ces acteurs Trappistes, repartant avec une idée à développer de ce qui pourrait se faire avec les jeunes dont ils ont la charge. Une réflexion à suivre.

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Infos de l'auteur

Babtou rousse ayant grandi à Trappes, j'aime les vieux livres, l'art, le théâtre, la danse, le cinéma. Côté étude : diplômée en reliure-dorure à l’École Estienne, je suis actuellement en licence de Préservation des Biens Culturels à Paris 1. Je m'intéresse beaucoup aux questions de culture, de transmission, d'environnement, d'histoire dans les sociétés. J'aime apprendre des autres de nouvelles choses.