Un grand homme contre cette arme de guerre qu’est le viol

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C’est vrai, j’ai l’air résigné. C’est, je crois, depuis que j’ai vu cette enfant de 6 mois le sexe détruit par un viol, par peut-être plusieurs agressions. Comment peut-on en arriver là…” Docteur Denis Mukwege.

Des femmes et des enfants mutilés, le vagin déchiré par des sexes masculins, mais aussi par des couteaux, des morceaux de bois et autres objets contondants. Dans la province du Kivu, en République Démocratique du Congo, le viol est une arme de guerre. “Parfois, les rebelles forcent les parents à violer leurs enfants en place publique. Ils forcent les frères à violer leur mère, leurs soeurs…”.

J’avais lu dans les journaux qu’il y a un homme qui répare les femmes, un gynécologue Congolais qui se bat pour guérir les femmes victimes de viol. Mais à aucun moment on explique pourquoi il fait ça dans une région précisemment, dans la région du Kivu. Certes, il en est originaire, mais ce n’est pas la raison principale. C’est que les mutilations génitales dans cette région sont particulièrement courantes et violentes, à cause de la guerre. “Le but des rebelles est de provoquer un fort traumatisme dans les familles, et de rendre infertiles les femmes par les mutilations”.

Cet homme se bat pour réparer les femmes, mais il se bat aussi pour se faire entendre au sein de la communauté internationale, pour alerter les Nations Unis des horreurs qui se produisent ailleurs. Mais c’est sûr, c’est pas chez nous alors on s’en fout. Nos journaux expliquent juste que ce docteur est un héro pour les femmes violées. Mais en réalité cet homme dénonce quelque chose d’encore plus important en dénonçant des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité que personne n’entend.

J’ai rencontré le Docteur Mukwege. Il était là, avec moi, au Salon International de la Santé de Genève où il a pris le temps de venir nous rencontrer, moi et ma petite association Trappiste présente au Forum de Genève, pour connaître notre action, parce qu’il avait entendu parlé de nous à son arrivée. Il a pris le temps, lui qui est attendu partout.

On lui a expliqué que notre action consiste à apporter des serviettes hygiéniques lavables aux jeunes filles du Burkina Faso, d’où notre présence au Forum International de la Santé. Il trouve l’idée superbe, parce qu’il sait très bien que les jeunes filles des villages, quand elles ont leurs règles n’ont rien pour se protéger. Alors elles ne vont pas à l’école. Il sait aussi que ce qu’elles utilisent provoquent des infections. Il sait aussi bien que nous que les règles sont un énorme facteur d’inégalité de sexe en Afrique surtout, et qu’on n’en parle pas parce que c’est tabou. Et les sujets tabous, ça le connaît. Il nous félicite. Il nous explique qu’il va créer un centre de santé au Burkina, pour lutter contre l’excision et guérir les jeunes filles ainsi que les femmes victimes de mutilations. C’est son futur projet. On le félicite, et on prend une photo parce que quand même, ça c’est un grand homme.

Il reste au forum juste quelques heures pour donner une conférence au sujet de son action. Bien sûr, on a toutes voulu y assister. On a laissé le stand de notre association EPSA vide une petite heure. Sa parole est modeste, il explique son action très humblement. Pourtant, le Docteur Mukwege risque sa vie lorsqu’il est au Kivu dans l’hôpital qu’il a créé pour réparer les femmes. Une journaliste lui fait d’ailleurs remarquer que des attentats ont été tentés contre lui. Il ne préfère pas s’attarder dessus. Il sait que des femmes comptent sur lui, et que des femmes et des enfants risquent de mourir sans lui. “Les vrais courageux, c’est cette population qui subit ces atrocités tous les jours depuis plus de 10ans, ce n’est pas moi”, affirme-t-il.

Il a été le personnage principale d’un documentaire, L’homme qui répare les Femmes – La colère d’Hippocrate. Un autre journaliste soutient qu’à l’inverse du titre du documentaire, le Docteur n’a pas l’air en colère, mais plutôt résigné. C’est vrai que son visage paraît résigné. Considérant les horreurs qu’il a vues, ce n’est pas étonnant. Mais je crois qu’il reste dans une colère profonde, une colère silencieuse, une colère sage, une colère de sage.

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Infos de l'auteur

Etudiante à SciencesPo St-Germain-en-Laye après une année de prépa, Trappes est pour moi le QG de mes engagements avec EPSA, asso' solidaire pour le Burkina Faso, et le TrappyBlog. Parfois révoltée, rarement résignée, j'aime parler de tout, même de féminisme!