Divines, la rage des femmes qui veulent grand-remplacer le cinéma français

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Le film Divines est sorti le 31 août 2016 dans les salles obscures après avoir remporté le prix de la Caméra d’Or du Festival de Cannes. Il raconte l’histoire de deux jeunes filles pauvres et banlieusardes. Elles veulent dominer, gagner de l’argent et être respectées. Comme mes copines et moi.

Divines, un film sur la pauvreté

Une fois de plus les médias n’ont rien compris. Selon la réalisatrice, Divines n’est ni un film féministe ni un film sur la banlieue. En effet, pourquoi quand les protagonistes sont masculins l’histoire n’a pas automatiquement de revendication machiste ? De la même manière, qui oserait dire qu’un film se déroulant à Paris est, avant tout, “Parisien”? Les femmes et la banlieue semblent toujours aussi exotiques.

Le personnage qui porte cette histoire, c’est Dounia. Dounia, incarnée par la jeune actrice Oulaya Amamra est pleine de doute, de rage, de douceur et d’ambition. La meuf du XXIème siècle c’est elle. A n’en pas douter, elle inspirera toute une génération de jeunes filles qui verront en elle enfin quelqu’un qui leur ressemble. Dounia vit avec sa mère et son oncle, travesti, dans un camp de Roms. Elle rêve avec sa meilleure amie Maïmouna d’aller en Thaïlande, d’être riche et que plus personne ne l’appelle « la bâtarde ». Maïmouna, elle, est tiraillée entre son amitié pour Dounia qui la pousse à faire les 400 coups, et sa famille très religieuse. Dounia et Maïmouna forment un binôme singulier dans les bêtises et l’amitié candide qu’elles partagent. Quant à Rebecca, qu’elles admirent toutes les deux, c’est la plus badass (de l’anglais, dure à cuire) des gangsters du quartier, porteuse d’un charisme à la Don Corleone et d’une folie digne de Tony Montana.

Quand les deux acolytes parviennent à convaincre Rebecca de les engager pour vendre de la drogue, leurs chemins vont se croiser autour du coup qui risque de changer leurs vies à tout jamais…

Dans Divines, c’est le corps des hommes qui est sexualisé et réifié

Un des intérêts de ce film est qu’il ose renverser les codes. Par exemple, les seuls corps sexualisés et réifiés du film sont masculins. C’est le cas quand Dounia sauve un jeune homme. Elle le regarde, moqueuse, danser pendant des heures. Mais la moquerie se transforme rapidement en fascination. C’est Manon des Sources à l’envers. Elle prend alors la place du personnage masculin de Marcel Pagnol, Ugolin, qui ne parvient pas à détourner son regard du corps de Manon.

Un autre aspect important de ce film est de proposer une narration naturelle et une approche militante à la fois. Militante, a l’image de cette phrase culte de la réalisatrice et scénariste Houda Benyamina dans son discours au Festival du 7ème art « Cannes est à nous, Cannes nous appartient !». Militante, parce que donner une voix aux gens exclus, humiliés et pauvres, filmer un camp de Roms et humaniser les quartiers populaires est aussi rare que tabou. Militante, parce que le film parle d’une aspiration universelle et contemporaine, l’aspiration au « Money, money, money !», l’aspiration à vouloir être grande, à être quelqu’un.

« C’est des meufs qui se bougent et qui ont la rage »

Divines était un événement à mes yeux. Comme à chaque fois qu’un film traite des jeunes en banlieue, sa date de sortie est entourée en rouge dans mon calendrier.

Pourtant, j’ai toujours trouvé que la représentation des femmes dans le cinéma était décevante pour une jeune femme. Les femmes n’y sont jamais représentées correctement. C’est ce que confirme une étude récente du Centre d’études sur les femmes à la télévision et dans les films (dépendant de l’Université de San Diego en Californie). Selon cette étude, seulement 16% des rôles principaux à Hollywood sont attribués à des femmes. Parmi ces personnages, la majorité voit sa vie tourner autour des hommes, du mariage ou de la grossesse. Leurs caractères stéréotypés et hyper-sexualisés contribuent à créer un imaginaire unidimensionnel où les femmes sont toujours en second plan, avec des histoires simples et prévisibles, mettant en scène la fille qui a comme unique projet de vie de trouver le prince charmant, celle qui incarne le garçon manqué, la pute, la maman poule, la femme seule ou divorcée mais chef d’entreprise. C’est encore pire quand les rôles sont féminins et non-blancs. Ces rôles font alors systématiquement l’objet de portraits biaisés qui cumulent les clichés. C’est en cela, aussi, que Divines détonne et étonne. Ce film est à contre-courant des contraintes qui pèsent sur les femmes telles qu’elles sont représentées dans le cinéma qu’on nous impose.

C’est aussi cet aspect militant qui a séduit le journaliste Mouloud Achour. Dans le « Gros Journal » sur Canal + et dans « Clique », il a résumé le film en le comparant au chef‑d’œuvre de Mathieu Kassovitz : « La Haine c’est trois gars qui galèrent et qui ont la haine et Divines c’est des meufs qui se bougent et qui ont la rage. »

En 2016, Houda Benyamina nous offre un film à double-lecture qui aura une signification différente à chaque visionnage. Et elle s’octroie dûment le droit de parler de manière authentique et honnête. Après Omar Sy, si Oulaya Amamra obtient le César du meilleur espoir féminin, on pourra vraiment dire que le grand-remplacement est en marche. C’est divinement beau et ça fait beaucoup de bien à (presque) tout le monde.

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Infos de l'auteur

Etudiante en M1, Trappiste depuis toujours, j'écris pour raconter des histoires et des rencontres.