Benoît Hamon, aux origines d’un frondeur…
Ancien Ministre de l’Education Nationale, premier président du mouvement des jeunes socialistes, actuellement député de la 11ème circonscription des Yvelines. Mais qui était-il et d’où vient-il ? Portrait d’une jeunesse active et ambitieuse
Bébé Benoit Hamon est né en 1967 (le 26 juin précisément. C’est bientôt son anniversaire, préparez vos roses), à Saint-Renan, en Bretagne, à deux pas de la pointe extrême de la gauche de la France, et de l’Europe. Tout un programme.
Tel père, tel fils. Ça ne marche pas à tous les coups.
« Mon père a commencé comme apprenti dans les arsenaux en 1956 puis est devenu ouvrier d’Etat. Il voudra d’ailleurs que je fasse comme lui. J’ai raté le concours exprès. Je ne savais pas ce que je voulais faire, mais je savais ce que je ne voulais pas faire et je ne voulais pas travailler dans les arsenaux ». Avant cet épisode décisif, c’est bien une partie de sa jeunesse passée au Sénégal pour les besoins professionnel du père, du CE2 à l’entrée en 5ème, qui a marqué le jeune Benoît « des années où on se structure ». Une fois arrivés au Sénégal, où la religion majoritaire est l’Islam, les parents décident de mettre leurs quatre enfants dans une école catholique mariste : « Les maristes sont des établissements catholiques et dépendants de l’éducation nationale sénégalaise. J’étais dans un collège-lycée qui a la réputation d’avoir un cursus difficile et strict, avec beaucoup de discipline. On était des milliers. C’était énorme. Avant, en France, j’étais dans une école publique, certes, il y avait un peu de mixité mais rien à voir avec le Sénégal. ».
Un retour plus ou moins difficile
Une fois rentré en France du Sénégal, il leur a fallu une nouvelle fois s’adapter. « C’est plutôt le retour qui a été difficile ». Aux yeux de la fratrie Hamon « la Bretagne était très uniforme ». Dakar-Brest : le temps, l’architecture, l’urbanisme, rien n’est pareil. Aux yeux d’un jeune immigré du Sénégal, « à première vue il n’y a pas beaucoup de couleurs en Bretagne. Le ciel est bas, sombre, les immeubles sont en damier, avec une architecture des années 1950 qui est grise. On a une ville grise, un ciel gris, il fait froid, et tout le monde est blanc. J’adore la Bretagne, mais ça n’avait rien à voir avec le Sénégal ». En plus, arrivé à Brest, d’un coup, le métissage a disparu. « Les enseignants sont blancs, les chauffeurs de bus sont blancs, les élèves sont blancs… tout le monde est blanc ».
Le racisme, ça existait à l’époque ?
Bien loin tout de même des actuels et sempiternels propos racistes dans lesquels grandissent les jeunes générations actuelles, les collégiens échangeaient bien « des petites blagues, un peu limites ». Propos étranges au jeune Benoît parce que « bien sûr, au Sénégal, tous mes amis étaient blacks. Mais ça passait parce que c’était rare et pas obsédant comme ça l’est aujourd’hui. ». C’est au lycée que Benoît découvre « réellement le racisme ». Le Lycée catholique Sainte-Anne, lycée de filles, venait d’ouvrir ses portes aux garçons : « On était que quatre garçons en seconde ! Le bonheur ! Mais le truc moins génial, c’est que c’était un lycée qui accueillait une grande partie des enfants de la bourgeoisie Brestoise. Et ça a moins collé dans le bahut. Heureusement que j’avais les potes de ma rue… ». C’est l’époque de la « Marche des Beurs », des débuts de SOS Racisme et des premières rencontres avec les jeunes lycéens du Front National : « C’est vrai que la campagne “Touche pas à mon pote” me parlait parce que ça me renvoyait à mes années au Sénégal. Mais je ne m’y étais pas engagé du tout. Je me suis engagé quand j’ai vu que dans mon lycée il y avait des badges du Front National qui circulaient et qui affirmaient “Touche pas à mon peuple”. C’était la réponse du FN à l’époque à l’épinglette “Touche pas à mon pote”. Je trouvais ça incroyable, d’où mes premiers échanges politiques. A ce moment là, j’ai appelé pour voir s’il y avait une branche de SOS racisme à Brest, il n’y en avait pas alors j’ai envoyé un courrier à SOS racisme à Paris avec un chèque pour qu’ils m’envoient des épinglettes dans une enveloppe où il y avait écrit le fameux slogan “Touche pas à mon pote”. J’ai vendu ces épinglettes dans mon lycée mais on était moins nombreux que les mecs de “Touche pas à mon peuple” ». Pour l’adolescent ayant grandi à Dakar, l’antiracisme était instinctif, et pourtant « j’ai compris que l’anti-racisme n’était pas quelque chose de naturellement partagé. Qu’il y avait un problème et qu’il fallait combattre, s’engager, parler. Le début de mon engagement est donc sur cette question de l’anti-racisme. »
Un premier pas dans la politique..
Mais le début de l’engagement continu en politique est contemporain de la loi Devaquet. Dès son arrivée à la fac, le jeune étudiant fréquente les manifestations menées contre cette loi, où il retrouve ses meilleurs ennemis de l’époque : « C’est là que je connais des premiers contacts un peu costauds avec les fascistes à Brest. J’avoue que les premières années on passait au moins autant de temps à se battre qu’à faire de la politique, surtout la nuit pendant les collages. A ce moment là, l’objectif du FN était vraiment de prendre la rue, d’où quelques échauffourées. ». C’est l’époque où le jeune Breton entre en politique comme d’autres dans les ordres. « La politique me colonise. Quand vous tombez dedans, si vous avez une sorte de colère sincère, ça vous submerge. ». Pourtant, s’investir et mettre et prendre des gnons ne suffit pas. Le jeune Hamon ne se sent pas suffisamment armé : Le problème est que vos arguments sont assez rudimentaires. Comment s’outiller, s’équiper ? Comment rendre ses arguments intelligibles ? Comment se faire comprendre ? Comment le traduire en solution, en réponse politique ? Ce cheminement n’est pas simple. J’ai mis longtemps, je pense une dizaine d’année à trouver mon chemin, et j’évolue encore. J’ai mis longtemps à trouver ce qui est juste et ce qui n’est pas juste, ce qui est bon ou pas. Il y a un aspect moral et éthique aussi dans l’engagement. ».
Une transition bien agencée du local au national
Mais comment passe-t-on du statut de lycéen révolté à celui de leader national ? Le caractère bien trempé du jeune homme lui permet tout d’abord de s’imposer en chef de meute au niveau local : « J’y allais parce que j’avais de l’énergie. Comme j’étais petit, que je n’avais pas trop peur, les plus grands se disaient : “si lui n’a pas peur nous non plus!” ». Il devient ensuite responsable départemental des jeunes socialistes, ce qui lui permet de participer aux réunions nationales. Il est alors rapidement repéré par les « dirigeants des dirigeants ». Il devient responsable des jeunes rocardiens chez les jeunes socialistes (Note aux plus jeunes : Rocard est une relique du socialisme du XXème siècle, toujours en vie, ancien premier ministre de François Mitterrand, de gauche, mais plutôt à droite de la gauche..). Consécration nationale, Benoit Hamon devient président des jeunes socialistes. « On a proclamé l’autonomie des jeunes socialistes contre l’avis du PS, ça a été une vraie guerre ». De bastonneur, le jeune Benoît Hamon devient frondeur. Déjà. C’est que Benoît et sa clique de jeunes socialistes ne craignent pas leurs prestigieux aînés. « Contre Fabius, on a gagné, au bout d’un an et demi de rapport de force. J’ai été élu officiellement président des jeunes socialistes, par les jeunes socialistes. C’était une libération, enfin on pouvait prendre position non pas en fonction de ce qu’on nous autorisait à dire mais en fonction de ce qu’on jugeait juste de dire ». Premier président du mouvement des jeunes socialistes autonomes, il gagne alors en légitimité et en autorité. « C’est comme ça que j’ai pu prendre position pour critiquer Mitterrand quand il a été révélé qu’il fleurissait la tombe de Pétain, pour critiquer la position de la France au Rwanda… Et là, aujourd’hui le MJS manifeste contre la loi travail ! ».
Rastignac monte à la capitale
Jeune politicien ambitieux, parfait connaisseur du parti et des ses acteurs, il a bien fallu que Benoît Hamon se décide à quitter définitivement Brest et la Bretagne afin de se trouver, lui aussi, au cœur du pouvoir politique, à Paris. Pourtant, dans ce monde de jeunes bobos socialistes avant l’heure, ce jeune diplômé d’une licence d’histoire est atypique. C’est qu’il n’est pas passé par ces Grandes Ecoles chargées de transformer les rejetons de la bourgeoisie française en détenteur légitime du pouvoir politique. « Quand j’arrive à Paris, c’était un choc de me rendre compte que les jeunes socialistes de Paris ressemblaient beaucoup, à ma grande stupeur, aux bourgeois de Brest ». C’est que les cadres socialistes des beaux quartiers de Paris n’ont pas grand chose à voir avec ceux des quartiers populaires Brestois : « Pour moi les choses étaient assez clivées. A Paris, je découvre que c’est beaucoup plus compliqué, qu’il y a des gens qui disent penser la même chose mais qui ressemblent aux adversaires qu’on a nous, à Brest ».Tout de même, les choses vont vite pour le président des jeunes socialistes biberonné et élevé politiquement au sein du parti socialiste. Il postule avec succès pour un poste d’assistant parlementaire, puis il s’engage dans la campagne présidentielle de Lionel Jospin, puis il intègre le cabinet de ce dernier, puis il poursuit son activité en se présentant aux législatives de 1997 dans le Morbihan sans être élu, puis il rejoint le cabinet de Martine Aubry dans lequel il est notamment chargé du programme emplois-jeunes. Sa carrière nationale est lancée. On trouve le reste dans les archives de la télé.