Du plan proposé par Jean-Louis Borloo en avril dernier, Emmanuel Macron n’a rien gardé ou presque. Jugé ambitieux par l’Elysée, mais pas assez ancré sur les questions de sécurité et de communautarisme, il n’a pas été retenu. Une énorme déception pour les élus de Trappes et de la Verrière qui ne cachent pas leur écœurement.
« Un plan de non-annonce », lance amer Thomas Urdy adjoint au maire (Génération‑s) en charge de l’urbanisme, l’environnement et la qualité de vie à Trappes. « Avec Borloo, l’humain aurait pu revenir au centre. Mais là, on est surtout sur de la rénovation urbaine et de la sécurité ». En novembre dernier, Jean-Louis Borloo a été chargé par Emmanuel Macron de mener une mission sur les quartiers dits populaires. Six mois plus tard, il a remis son rapport au Premier ministre, Édouard Philippe. Pas moins de dix-neuf grands thèmes sont présentés.
Création de campus numériques, de lieux de vie d’éducation pour les enfants (cités éducatives), d’une académie de leaders… Autant de propositions qui n’ont pas été retenues par le chef de l’État. A la place, une agence pour « mobiliser les financements publics » et « tous les acteurs » dans l’optique de rénover l’urbain, un plan de lutte contre le trafic de drogues ou encore 30 000 stages de troisièmes promis aux élèves de troisième.
« A Trappes, ces annonces n’apporteront rien de plus, continue Thomas Urdy. Emmanuel Macron a fait en sorte de cocher plusieurs cases, comme pour les places pour les stagiaires. C’est intéressant, mais ce n’est pas suffisant. Ce n’est pas ambitieux et ça ne traite pas le fond. Jean-Louis Borloo expliquait que les services publics étaient moins présents en banlieue. Et au-delà des moyens financiers, il proposait une véritable mixité sociale. Ce que je regrette, aujourd’hui, c’est que ce plan n’aura pas lieu. »
L’élu Génération‑s aux sports à la Verrière, Amara Traoré, ne dit pas autre chose. « Il ne reste rien du plan Borloo », lâche-t-il. L’enfant du coin, né à Trappes et élevé dans le quartier du Bois de l’Étang ne décolère pas « Macron a fait un choix politique : aider les personnes qui ont plus de moyens au mépris des populations plus éloignées, plus pauvres ». D’un ton énergique, il revient sur son enfance. Ses parents qui ne savaient pas lire, les associations qui l’ont aidé dans ses devoirs, l’école ou encore les problèmes de sectorisation. « La France est vraiment un pays inégalitaire. Et ceux qui disent que la banlieue est toujours favorisée, je leur propose de venir ici. De voir comment les pouvoirs publics se désengagent de plus en plus. »
De fait, pour faire face aux défis du quotidien, les quartiers regorgent d’associations. Dans son rapport, Jean-Louis Borloo parlait de 100 000 associations et d’un million de bénévoles qui « pallient souvent la faiblesse des pouvoirs publics ».
Pour leur permettre de se développer, l’ancien ministre de Jacques Chirac préconisait d’ailleurs de mettre un terme aux appels à projets et de favoriser des financements pérennes. « Aujourd’hui, ce tissu associatif qui remplaçait la défaillance des pouvoirs publics n’est plus aussi présent qu’avant, continue Amara Traoré. Ça va devenir de plus en plus compliqué sans volonté politique de faire bouger les lignes ».
« C’est exactement ça », ajoute Zoubida Rafiq, adjointe au maire de la Verrière (Génération‑s) en charge de la jeunesse, de l’emploi et de l’insertion. « Les élus locaux et le tissu associatif remplacent l’État. Ici, c’est un territoire abandonné. On est obligé de se substituer à l’État, avec nos petits moyens. »
« On attend des mesures concrètes »
Autre point du rapport Borloo, « l’enclavement sous toutes ses formes ». L’homme politique conseillait alors de renforcer l’offre de transports, de rembourser les exonérations de taxe foncière dont bénéficient les bailleurs sociaux et qui pénalisent les municipalités ou encore de mieux accompagner les jeunes via le tutorat et les réseaux existants de Pôle emploi.
Sur ce dernier point, Emmanuel Macron, a demandé aux grandes entreprises françaises de « prendre leur part » dans la lutte contre le chômage. Une réunion de travail est prévue en juillet et des « testing » antidiscrimination dans les 120 plus grandes entreprises devraient aussi être mis en place.
« On attend des mesures concrètes, rétorque Zoubida Rafiq. Ici, les habitants en ont ras le bol parce qu’il y a pas de répondant derrière. Il existe une discrimination à l’embauche très importante. Par exemple, l’an passé un jeune de la Verrière a décroché un BTS mais pas d’entreprise. Ça fait un an qu’il cherche, sans succès. Même quand ils sont motivés, certains se prennent des murs. Comment ne pas être découragé après ça ? »
Elodie Hervé