Garçons-filles dans le quartier : "Il y a grave une différence"


Dieynaba*, 19 ans, habite à Trappes au square Louis Pergaud depuis toujours.

 

Est-ce que tu te sens libre dans ton quartier ?

Moi je me sens libre dans mon quartier, je fais ce que je veux parce que j’ai grandi en étant inclus, et genre c’est comme si j’étais chez moi. Dans mon quartier je ne me sens pas surveillée. Si je fais n’importe quoi, mon frère va me dire d’arrêter mais moi je ne fais pas n’importe quoi. 

 

Est-ce que les filles ont les mêmes droits que les garçons dans ton quartier selon toi ? 

Moi je pense que oui clairement, parce que je traîne tout le temps dehors dans le quartier avec ma sœur ou avec des copines et on n’a jamais de problème. Pour moi, on a les mêmes droits. Mais il y a des moments où il se fait tard, et les garçons nous demandent de rentrer.

 

Et pour toi ça ne pose pas de problème, ça ?

Pour moi c’est comme des grands frères qui veulent nous protéger. Si c’est pas ça, on dort dehors nous tellement on se sent tellement bien au quartier (rires). Nous on a grandi dans le quartier depuis toute petites. C’est pas comme les filles qui sont arrivées en France, qui ont pas grandi ici et qui se sentent moins chez elle. Mais c’est vrai que les garçons qui sont arrivés en France et qui n’ont pas grandi dans le quartier ont pas de problème pour s’intégrer aux groupes de garçons.

 

Pourquoi les liens des filles et des garçons ont changé en grandissant, selon toi ?

Je ne sais pas pourquoi mais on s’est un peu éloignés. On s’est éloignés comme ça, d’un coup. Nous on traîne entre filles. Eux ils font leur petit business et tout, et ils ne veulent pas qu’on sache. Mais parfois on leur parle et on leur dit de ne pas faire n’importe quoi parce qu’on les considère comme nos frères aussi.

 

Est-ce que tu sens une pression sociale au niveau de l’habillement quand tu es dans ton quartier ? 

Mon frère ne va jamais accepter que je m’habille n’importe comment. Après moi je porte le voile, donc je n’ai pas ce souci-là. Mais je sais qu’avant que je porte le voile j’avais mis un pantalon en cuir moulant et mon frère m’a dit : « Enlève ça, toi » (rires) 

 

Quels sont tes rapports avec les garçons du quartier ?  

Je les vois comme des frères. Les grands agissent comme mes grands frères car c’est les potes de mon frère qui habite encore avec nous. L’autre est déjà parti et s’est marié. Et ceux de mon âge c’est juste des frères avec qui j’ai grandi, quoi.

 

Est-ce que tu t’imagines traîner avec un garçon dans le quartier ?

Jamais ! C’est trop des frères. Je ne me vois pas sortir avec un des garçons du quartier.

 

Est ce qu'il t’arrive parfois de te sentir dans l'obligation de quitter le quartier pour te sentir plus libre ? Pourquoi ?

Non jamais ! Y’a trop une bonne ambiance au quartier donc j’aime trop être là. Pendant que certains font des barbecues, d'autres jouent au foot …

 

Est-ce que tu sens comme différence entre l’éducation des filles et des garçons dans les quartiers ? 

Oui oui clairement ! À la maison, les garçons se lèvent, ils mangent, ils font leur vie et ils sortent. Nous on doit faire le ménage et tout, et après on peut sortir. Il y a grave une différence. Même, en général, quand ils sortent ils peuvent sortir jusqu’à 4h du mat,  personne ne leur dit rien. Alors que nous, on doit rentrer plus tôt. Je pense que c’est parce qu’on dit que les garçons sont plus forts, par exemple quand il y a un danger. Et ça, c’est ancré dans les cerveaux depuis la nuit des temps. 

 

Quel est le statut des filles dans les familles par rapport aux garçons selon toi ?

Moi, je suis la deuxième maman. Je m’occupe de mon petit frère d’un an depuis qu’il est bébé. Et quand ma mère était à l'hôpital après sa naissance, c'est moi qui devais faire à manger, et leur donner à mon père et mes frères et sœurs. Et les garçons s'en foutaient.

 

Est-ce que tu as l’impression que les filles doivent faire plus de tâches ménagères que leurs frères ?  

Moi, chez moi les garçons ne font vraiment rien.

 

Pourquoi est-ce que les garçons ont plus de liberté que les filles au sein des familles ?

Parce que c’est des garçons. Je ne sais pas quoi dire de plus.

 

Est-ce que tu as vécu ou tu as été témoin de violence, physique ou psychologique, des garçons envers les filles, soit au sein de couples, ou bien pour « jouer » ? 

Les garçons, c’est vrai qu’ils aiment bien taper pour rigoler. Ils aiment bien donner des coups. Mais c’est pour rigoler.

 

* (le prénom a été modifié)

 

Propos recueillis par Kandia Dramé

 

 


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